Critique | Cinéma

Rêves électriques: chronique adolescente troublante

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© National
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Titre - Rêves électriques

Réalisateur-trice - De Valentina Maurel

Casting - Avec Daniela Marín Navarro, Reinaldo Amien Gutiérrez, Vivian Rodríguez.

Durée - 1h57

Valentina Maurel livre une chronique adolescente troublante et entêtante, portée par un superbe duo père-fille.

Tengo sueños eléctricos ****

Eva, la jeune héroïne de Rêves électriques, ne supporte pas que sa mère, tout juste divorcée, veuille rénover la demeure familiale pour faire table rase du passé. Le désordre dans lequel elle vit s’immisce partout, dans la maison comme dans son esprit. Elle ne rêve que d’une chose: que son père trouve un appartement, si possible avec une chambre pour elle, où abriter son intimité. Elle met tout en œuvre pour y parvenir, allant jusqu’à écumer les petites annonces pour lui, mais avide de liberté, ce dernier agit avec un dilettantisme douloureux quand il s’agit d’assurer un peu de stabilité à sa progéniture. Il faut dire que Palomo est poète. C’est un esprit libre, c’est aussi un homme traversé par une violence archaïque, dont Eva ne sait pas trop quoi faire.

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Si Valentina Maurel parvient à saisir avec une sorte de grâce rugueuse et une acuité saisissante la nonchalance et la détermination qui sont le propre de l’adolescence, Tengo sueños eléctricos ne relève pas pour autant des ressorts classiques du coming-of-age, où une jeune fille se transforme en jeune femme le temps d’un été, avec l’âge adulte en ligne de mire. Eva voit plus loin, elle voit la détresse, l’incapacité, elle voit la violence de ce qui l’attend “de l’autre côté”, passé l’adolescence. Quels sont les démons qui traversent sa famille? Comment et pourquoi la violence s’est faite langage, s’inscrivant au cœur de son intimité familiale, devenant un flux conversationnel entre elle et son père, et parfois aussi avec sa mère? Et que faire de cette violence transmise en héritage?

Des adultes perdus

Observant ses parents et leurs amis, la jeune fille se demande à quoi rime cet âge de raison que la société lui vend comme une fin en soi, et qui lui semble finalement bien trouble, et pas si sensé que ça. Les adultes qui l’entourent, bien qu’ils se réfugient dans leur amour de l’art et leur soif de liberté, apparaissent aussi perdus qu’elle, voire davantage. Eva a le sentiment de s’engager dans une voie sans issue.

Daniela Marín Navarro, héroïne opiniâtre et désarmante, prête sa fougue, son regard perçant et son naturel à Eva, et incarne avec aplomb les séquences hyper réalistes où la cinéaste dépeint avec audace le rapport au corps et à la sexualité de la jeune fille. Quant à Reinaldo Amien Gutiérrez, il incarne à merveille l’ambiguïté d’un père aussi aimant que violent, perdu dans ses idéaux mais sauvé (parfois) par son art. Valentina Maurel les met en scène en mouvement souvent, en quête d’attache aussi, ses personnages filant à travers San José (Costa Rica), ville peu vue au cinéma, loin de tout exotisme. “Je fais des rêves électriques”, se répète Eva, nous livrant ainsi une définition aussi poétique qu’éloignée des clichés de cette période suspendue et tellement absolue qu’est l’adolescence.

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