Redécouvrez les classiques du cinéma en version 4K en salle cet été

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

L’été se décline traditionnellement en ressorties de classiques en salles. Avec, cette année, un focus sur Yasujirô Ozu, dont quatre films bénéficient d’une restauration 4K.

L’un des événements du dernier festival de Cannes fut sans conteste la présentation, en ouverture de Cannes Classics, de La Maman et la Putain, le film culte de Jean Eustache, 49 ans après qu’il avait fait l’objet d’un accueil houleux au même endroit. Une œuvre devenue extrêmement difficile à voir et qui, par la grâce d’un lifting 4K, se voit rendue à sa splendeur brute originelle et promise, vraisemblablement, à un beau parcours dans les circuits cinéphiles. Le cinéma de patrimoine est une affaire qui roule en effet, et les festivals internationaux ont désormais leurs sections de classiques, où se bousculent les restaurations, en provenance ou non d’archives du monde entier (Cannes proposait ainsi cette année L’Adversaire de Satyajit Ray, présenté par la National Film Archive of India, mais aussi Singin’ in the Rain, restauré par la Warner, parmi d’autres). Ce, sans même parler des manifestations spécialisées: Il Cinema Ritrovato à Bologne, Festival Lumière à Lyon ou Restored! à la Cinematek de Bruxelles. Un intérêt trouvant son prolongement dans les salles qui ont pris l’excellente habitude de profiter de l’accalmie des mois de l’été sur le front des nouveautés pour intégrer des classiques restaurés à leur programmation. The Shining, In the Mood for Love ou encore The Piano sont ainsi quelques-uns des titres que l’on a pu (re)découvrir ces dernières années dans d’éclatantes versions 4K -la Rolls des restaurations en termes de qualité et de précision de la numérisation, qui permet de retrouver l’image argentique telle qu’elle était. Avec un bémol que relèvent les puristes: une expérience sensorielle différente entre la pellicule et le numérique.

Et une tendance confirmée en 2022, les ressorties occupant une place appréciable dans l’agenda estival, puisque, aux côtés du programme “Versions restauréesproposé tout l’été à Flagey (avec notamment l’extraordinaire Red Shoes, du duo Powell-Pressburger, mais aussi des films belges comme Satori Stress de Jean-Noël Gobron), sont annoncés pêle-mêle Caro diario de Nanni Moretti, Nobody Knows d’Hirokazu Kore-eda, La Maman et la Putain précitée, et l’on en passe, comme une volée de films de Fassbinder. Sans oublier, last but not least, la présentation de quatre classiques de Yasujirô Ozu dans une restauration 4K, à savoir Voyage à Tokyo, Le Goût du riz au thé vert, Printemps précoce et Crépuscule à Tokyo.

Tokyo Story (Yasujirô Ozu), à partir du 29/06

Sortie en 1953, Voyage à Tokyo reste l’un des chefs-d’œuvre d’Ozu. Le maître nippon y met en scène un couple de provinciaux âgés, tout à la joie d’aller visiter leurs enfants à Tokyo. Pour rapidement s’y sentir de trop, seule leur bru, veuve, leur réservant un accueil chaleureux. Une histoire qu’Ozu filme avec rigueur et délicatesse, signant un film d’une mélancolique beauté dont la ressortie, avec trois autres de ses films, dans une restauration 4K, constitue l’événement cinéphile de l’été.

Caro diario (Nanni Moretti), à partir du 06/07

Caro diario (Journal intime, en VF) est le film qui, au mitan des années 90, devait asseoir définitivement la réputation internationale de Nanni Moretti. Le réalisateur transalpin s’y met en scène dans trois chapitres aux tonalités différentes: une déambulation en Vespa dans les rues de Rome, une balade réflexive dans les îles éoliennes et un ballet de médecins que son prurit laisse impuissants. Et de porter un regard teinté d’ironie sur le monde dans un exercice pas dénué d’autodérision.

La Maman et la Putain (Jean Eustache), à partir du 13/07

Présenté en 1973 au festival de Cannes dont il repartira avec le Grand Prix, La Maman et la Putain avait tout pour déchaîner les passions. D’un abord difficile -3 heures 40 dépourvues de gras-, le film travaille l’intime et les relations entre les sexes dans l’après-Mai 68 à la suite de son trio amoureux, vibrant d’un air du temps qui ouvre sur le désenchantement. Un geste de cinéma radical jusque dans son flux ininterrompu de paroles, auquel une restauration 4K restitue sa majesté en noir et blanc. Un must.

Variety (Bette Gordon), à partir du 02/07

Au début des années 80, Bette Gordon accompagne dans un Times Square encore fréquenté par une faune interlope une jeune femme acceptant un job de caissière dans un cinéma porno, le Variety. Suintant le réel, le film en ayant résulté est une curiosité indie, où l’on croise notamment Nan Goldin dans son propre rôle de serveuse dans un bar comme on n’ose plus en imaginer. Non sans avoir permis à Gordon de renverser les genres, “faisant de la femme non plus l’objet, mais bien le sujet”.

Escapisme zen

Derrière ce qui constitue incontestablement l’événement cinéphile de l’été, Lumière, le distributeur à qui l’ont devait déjà les ressorties des films de Tarkovski, ou encore de Howards End et Maurice, de James Ivory. “Nous tirons parti de restaurations récentes pour ressortir ces classiques en salles, explique Alexander Vandeputte, directeur général. Un créneau porteur, bénéficiant notamment de l’amélioration des standards de restauration avec l’augmentation des moyens y dévolus, en plus de la notoriété des films. “Dans le temps, sortir des classiques, c’était la promesse d’avoir trois spectateurs. Désormais, il y a un public jeune qui veut découvrir ces films en salle. Le paradoxe, c’est qu’à l’heure où l’on peut voir beaucoup de films sur des plateformes, la salle est redevenue intéressante, avec son côté événementiel.” Une dimension exclusive générant un box-office certes limité -la carrière des films est restreinte dans le temps- mais néanmoins significatif. “La moyenne tourne entre 5 000 et 10 000 spectateurs, poursuit-il. Ça dépend aussi des circonstances: Howards End, qui était resté invisible pendant dix ans à la suite de litiges, a ainsi suscité une demande très forte. On est parfois surpris de la réussite de certains titres, comme Le Miroir, de Tarkovski. Même si, d’un point de vue financier, ces sorties ne sont pas évidentes: il faut créer un nouveau matériel promotionnel, affiches, bande-annonce, sous-titrage, qu’il faut ensuite amortir.” Et ensuite parier sur l’intérêt du public. Ainsi, aujourd’hui, pour Voyage à Tokyo, annoncé dans une dizaine de salles, et dont l’on espère qu’il bénéficiera d’un engouement comparable. Un chef-d’œuvre absolu, pour lequel Alexander Vandeputte a, en tout cas, imaginé un slogan imparable: “Escapisme zen pour des temps difficiles. On ne saurait mieux dire…

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