Oscars 2023: les favoris de la rédaction
Ce dimanche, à 20 heures (heure locale), Los Angeles vibrera au rythme de la 95e cérémonie des Oscars. Parmi les nombreux films concourants, la rédaction en épingle six qui, à son sens, méritent leurs statuettes.
The Fabelmans, de Steven Spielberg
Nommé pour sept catégories dont Meilleur film, Meilleur réalisateur (Steven Spielberg), Meilleure actrice (Michelle Williams), Meilleur scénario original, et Meilleure musique de film.
Ce récit d’apprentissage classique, Steven Spielberg le met en scène avec un sobre classicisme que prolonge une intelligence rare de la narration. Manière de mieux happer le spectateur au cœur de cette famille aimante et attachante, pour faire la part belle à la dimension intime de l’histoire, et laisser l’émotion s’épancher librement -avec, du reste, parfois un soupçon de sentimentalisme. Chemin faisant, et tandis que se dévide le destin de Sammy, le cinéaste livre bien sûr quelques clés de son œuvre, tout en affirmant lumineusement le pouvoir d’un cinéma révélateur dans les divers sens du terme. Le tout, avec une bienveillance du regard qui achève de faire de The Fabelmans un film où l’on aimerait pouvoir habiter, par-delà ses nombreuses aspérités.
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The Whale, de Darren Aronofsky
Nommé pour trois catégories dont Meilleur acteur (Brendan Fraser) et Meilleure actrice secondaire (Hong Chau).
Darren Aronofsky n’est pas précisément réputé pour faire dans la dentelle. À cet égard, The Whale ne rompt pas radicalement avec la tradition de The Wrestler, Noah ou autre Mother!, le réalisateur semblant vouloir privilégier un passage en force, la présence massive de Brendan Fraser ne manquant d’ailleurs pas de déstabiliser le spectateur dans un premier temps. En l’espèce, il convient toutefois de se défier des apparences -ce que suggère d’ailleurs la lecture proposée de Moby Dick-, et d’aller plus loin que les prothèses, effets spéciaux et autres couches de maquillage ayant présidé à la stupéfiante métamorphose du comédien, pour accéder à l’essentiel. Et apprécier combien, creusant cette relation père-fille, tout en sondant l’histoire des uns et des autres, celle d’un homme consumé par le deuil en particulier, le film impressionne tant par la justesse que par la profondeur de son propos.
Une qualité à laquelle n’est bien sûr pas étrangère la performance de Brendan Fraser qui, dans un rôle complexe, déploie une palette d’émotions et une finesse de jeu qu’on ne lui soupçonnait pas. Ou plus, The Whale consacrant le grand retour de l’acteur de The Mummy et Gods and Monsters. Directeur d’acteur·rice·s hors pair, le réalisateur de Requiem for a Dream confirme par ailleurs être un virtuose de la caméra, tirant le meilleur parti du dispositif en huis clos qu’imposait la pièce de Samuel D. Hunter dont est tirée le film. Mais surtout, il y ajoute une densité et une vérité humaines qui achèvent de faire de The Whale mieux qu’un film monstre, une expérience de cinéma bouleversante.
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Banshees of Inisherin, de Martin McDonagh
Nommé pour huit catégories (avec 9 nominations) dont Meilleur film, Meilleur réalisateur (Martin McDonagh), Meilleur acteur (Colin Farrell), Meilleur acteur secondaire (Brendan Gleeson et Barry Keoghan), Meilleur scénario original.
Inutile de la chercher sur une carte, l’île d’Inisherin n’existe pas, si ce n’est dans l’imagination de Martin McDonagh, et dans le morceau que compose Colm, donnant son titre au film tout en convoquant la mythologie irlandaise. Mais si The Banshees of Inisherin a un incontestable parfum d’Irlande éternelle, sa résonance, elle, tend à l’universel. Au départ d’un argument minimaliste, l’auteur-réalisateur déploie un théâtre de l’absurde de grande ampleur, questionnant, l’air de rien, la nature humaine et le sens de l’existence. Non sans défricher un horizon métaphorique, d’un micro-événement en découlant d’autres, dérèglement du lien social et du vivre- ensemble notamment. Et la rupture entre les deux hommes, avec ses ravages intimes, de trouver un écho dans la guerre civile irlandaise qui fait rage, en sourdine, sur le “mainland”, puisque nous sommes en 1923.
Pour autant, c’est avant tout la pâte humaine du récit que pétrit McDonagh, le film conciliant émotions et humeurs diverses à mesure que les rebondissements s’y succèdent, la fable, hilarante par endroits, n’allant pas sans une bonne part de mélancolie. La comédie se voilant de noirceur et d’angoisse existentielle, les échanges, finement ciselés, étant hantés par la peur de la disparition. Une partition dont Colin Farrell et Brendan Gleeson restituent les multiples intonations avec un incontestable brio, cette tragi-comédie irlandaise généreusement baignée d’absurde beckettien se révélant tout simplement irrésistible.
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Tár, de Todd Field
Nommé pour six catégories dont Meilleur film, Meilleur réalisateur (Todd Field), Meilleure actrice (Cate Blanchett), Meilleur scénario original.
Tár est ce qu’il convient d’appeler un film-monde, une œuvre dont la richesse paraît ne pas devoir s’épuiser. Il y a d’abord son cadre, le milieu guère montré de la musique classique et des grands ensembles, dont Todd Field propose, entre New York et Berlin, une vision aussi aiguisée que pénétrante. Et puis, bien sûr, évoluant en son sein, l’énigmatique Lydia Tár, artiste et femme d’exception, seule en son Olympe, mais dont l’étoile va pourtant se mettre à pâlir inexorablement. Une personnalité complexe, à laquelle Cate Blanchett, étincelante, apporte à la fois l’autorité et l’ambiguïté requises, rehaussées d’un côté ouvertement manipulateur. Et un destin qui permet au réalisateur de se livrer à une brillante étude sur le pouvoir et les rapports de force, perspective qu’il assortit d’une photographie de la société contemporaine, cancel culture, #MeToo, égalité des genres et dérives des réseaux sociaux parmi d’autres infusant une intrigue aux méandres tortueux et fascinants. Mise en scène avec une précision millimétrée et une élégance froide, il y a là une œuvre ambitieuse et sans concession, réussissant à préserver jusqu’à son épilogue ahurissant cette part de mystère que Cate Blanchett incarne mieux que personne, souveraine. Grand film.
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Blonde, d’Andrew Dominik
Nommé pour une catégorie : Meilleure actrice (Ana De Armas).
Une qualité que de Armas a indubitablement héritée de l’actrice de Sept ans de réflexion, c’est cette aura qui est l’apanage des stars -et qui vaut à Marilyn d’encore briller au firmament hollywoodien 60 ans après sa disparition, aussi vrai que la lumière des étoiles de la voûte céleste continue à nous parvenir bien après leur mort. Une aura qui contribue à l’incontestable réussite de Blonde, des fragments assemblés par Andrew Dominik émergeant une vision subjective mais fascinante de l’Histoire, écartelée entre Marilyn et Norma Jeane, la lumière aveuglante et l’ombre définitive. Joyce Carol Oates ne s’y est d’ailleurs pas trompée qui, dans une note ouvrant le dossier de presse du film, évoque “un accomplissement éblouissant”, avant de poursuivre: “Dominik a su capturer la réalité hallucinatoire décousue et déformée du roman avec un regard féministe inflexible…” De quoi encore inscrire le film sur une ligne du temps dédoublée: ancré dans une époque révolue, mais tellement contemporain…
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Close, de Lukas Dhont
Nommé pour le Meilleur film international.
Dans Close, le deuxième long métrage de Lukas Dhont (Girl), l’amitié tendre et fusionnelle qui rassemble Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele), deux préadolescents, alimente à l’école les soupçons de relation homosexuelle. Ce qui pousse le premier à prendre ses distances avec le second, et amène le récit sur le terrain du drame. Brutal… Grand Prix ayant littéralement explosé l’applaudimètre sur la Croisette en mai dernier, le film joue de la subtile polysémie de son titre pour travailler aussi bien le motif de la proximité que celui de la fermeture. Le résultat, à la fois pudique et ultrasensible, charrie des torrents d’émotions.
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