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Qui remportera les Oscars? Les pronostics de Focus Vif
Qui seront les grands gagnants de la 97e édition des Oscars? Avant la cérémonie qui aura lieu la nuit du 2 au 3 mars, la rédaction a déjoué les pièges de l’IA et fait abstraction des polémiques pour livrer ses pronostics.
Oscar du meilleur film
The Brutalist, A Complete Unknown, Anora, Conclave, Dune: Part Two, Emilia Pérez, I’m Still Here, Nickel Boys, The Substance, Wicked.
Jusqu’aux Golden Globes, début janvier, la victoire semblait assurée pour Emilia Pérez –treize nominations, pas moins! Jusqu’à ce que resurgissent de vieux tweets tendancieux de l’actrice principale, Karla Sofía Gascón, sur l’islam et George Floyd. Netflix a immédiatement exclu de sa campagne de promo la première actrice transgenre nominée aux Oscars. Mais est-il imaginable qu’un nombre suffisant de membres de la vénérable Académie des arts et des sciences du cinéma, souvent très politiquement corrects, donnent à Gascón la chance de demander «perdón» sur la scène du Dolby Theatre, la nuit du 2 au 3 mars? C’est l’un des rebondissements possibles qui rendent les Oscars de cette année plus palpitants que le pitch de Conclave, avec ses cardinaux aux sourire pieux s’affrontant sans merci pour déterminer qui endossera la soutane papale.
The Brutalist semblait également bien parti pour les Oscars, après ses triomphes aux Golden Globes. Jusqu’à ce que le monteur de la fresque monumentale de Brady Corbet révèle que si Adrien Brody parle parfaitement hongrois dans le film, c’est grâce à un coach nommé… ChatGPT. Nouvelle polémique, les gardiens du temple d’Hollywood vouant le recours à l’intelligence artificielle aux gémonies.
Ces petites controverses ont permis à A Complete Unknown de remonter dans le classement, et la biographie de Dylan coche ici toutes les cases: sujet historique, acteur principal branché et style léché. Pourtant, il se pourrait bien que l’Académie préfère emprunter des chemins plus aventureux et choisisse l’outsider Anora, conte de fées moderne sur fond de strip-tease signé Sean Baker, qui avait déjà remporté la Palme d’or à Cannes.
Oscar de la meilleure réalisation
Brady Corbet (The Brutalist), Sean Baker (Anora), James Mangold (A Complete Unknown), Jacques Audiard (Emilia Pérez), Coralie Fargeat (The Substance).
Dans cette catégorie aussi, les polémiques compliquent les pronostics. Dans un premier temps, et jusqu’à ce que soit révélée «l’affaire ChatGPT», c’est Brady Corbet qui partait gagnant. Jacques Audiard est ensuite devenu un prétendant sérieux, jusqu’au malaise provoqué par les anciens tweets de Karla Sofía Gascón. Le nom de James Mangold a alors tout naturellement été mis en avant, si ce n’est que son biopic sur Dylan n’est sans doute pas assez audacieux pour se démarquer. Tout pourrait donc revenir à Sean Baker pour Anora…
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Oscar du meilleur acteur
Adrien Brody (The Brutalist), Timothée Chalamet (A Complete Unknown), Colman Domingo (Sing Sing), Ralph Fiennes (Conclave), Sebastian Stan (The Apprentice).
Jouer un rescapé de l’Holocauste à la poursuite du rêve américain? Dans un monde normal, Adrien Brody, 20 ans après The Pianist, devrait remporter son deuxième Oscar pour son incarnation de l’architecte de génie Laszlo Toth. Mais Hollywood est tout sauf un monde normal. Alors que The Brutalist était annoncé grand vainqueur dans la chasse aux Oscars, le statut de favori de Brody semble de plus en plus remis au cause au profit de la coqueluche Timothée Chalamet, qui a su imiter Dylan avec autant de facilité que le chanteur manie sa guitare folk et son harmonica. Seulement, l’ascension de Chalamet pourrait bien être arrivée un peu trop tard pour dégommer Brody. On attend déjà avec impatience son discours de remerciement dans un hongrois impeccable.
Oscar de la meilleure actrice
Cynthia Erivo (Wicked), Karla Sofía Gascón (Emilia Pérez), Mikey Madison (Anora), Demi Moore (The Substance), Fernanda Torres (I’m Still Here).
C’est ce qui s’appelle se tirer une balle dans le pied. Si Karla Sofía Gascón a déjà marqué l’histoire des Oscars en devenant la première personne transgenre nominée, une interview pour le moins maladroite, quelques échanges houleux avec l’équipe en charge des réseaux sociaux de sa concurrente brésilienne Fernanda Torres (I’m Still Here), les fameux tweets exhumés, et Gascón pouvait dire «adiós» à un Oscar quasi assuré.
Depuis, la course est ouverte. Torres, qui a survécu à la controverse autour d’une photo vieille de 30 ans où elle apparaissait en blackface, a remporté à la surprise générale le Golden Globe de la meilleure actrice dramatique, et ces dernières semaines, la révélation d’Anora, Mickey Madison, a également gagné en visibilité.
Cependant, il est probable que ce soit finalement Demi Moore qui l’emporte. L’Américaine bénéficie d’un bel élan après sa victoire aux Golden Globes (meilleure actrice dans une comédie ou une comédie musicale). Et on sait qu’Hollywood a un faible pour les retours en grâce; l’Académie pourrait saisir l’occasion de couronner enfin la reine des années 1990, à 62 ans. Un âge où les femmes sont encore trop souvent condamnées à jouer les grands-mères souriantes de second plan – sauf quand on s’appelle Meryl Streep, bien sûr.
Oscar du meilleur film international
I’m Still Here (Brésil), Les Graines du figuier sauvage (Allemagne), Emilia Pérez (France), La Jeune Fille à l’aiguille (Danemark), Flow (Lettonie).
En 2020, Parasite, de Bong Joon-ho, était le premier long métrage non anglophone à remporter également l’Oscar du meilleur film. Cette année, ni I’m Still Here de Walter Salles –drame inspiré de faits réels sur les séquelles de la dictature militaire brésilienne– ni l’Emilia Pérez de Jacques Audiard ne doivent se faire d’illusions. Tous deux ont en revanche de bonnes chances dans la catégorie Meilleur film international, qui repose –plus encore que les autres– sur un lobbying intensif. Or, nulle part ailleurs qu’à «Tinseltown», à l’exception peut-être du Vatican, il n’est plus important d’avoir des relations qui comptent. Ce qui aide aussi, c’est de se mettre dans la poche un ancien lauréat prestigieux qui défendra un film avec conviction. Et cette année, Cate Blanchett, bonne fée officieuse du cinéma d’auteur européen, soutient ardemment La Jeune Fille à l’aiguille… probablement en vain. Car une chose est sûre: pour remporter cet Oscar-ci, mieux vaut disposer d’un bon réseau que proposer un chef-d’œuvre, et avoir un budget promo conséquent pour organiser des projections avec petits fours, boissons à volonté et VIP, car ceux qui décernent les Oscars ne sont pas du genre à s’installer dans un canapé devant un film sous-titré. Regarder et lire en même temps? C’est beaucoup trop demander. Ou, comme le dirait Adrien Brody en hongrois: «Egyszerre nézni és olvasni? Ez túl nagy kérés.»
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