Petite histoire de l’homosexualité au cinéma
Alors que Moonlight fait figure d’outsider pour les prochains Oscars, la représentation de l’homosexualité au cinéma est riche d’une histoire aussi longue que tourmentée. Retour sur ces films qui fêtent l’amour entre les personnes du même sexe.
Difficile ces temps-ci de passer à côté des discussions à propos des droits des communautés LGBT. À une époque où l’ouverture d’esprit devrait être de mise, il n’y a pas un jour où l’on ne critique pas le mariage ou l’adoption pour les couples de même sexe. L’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis effraye les homosexuels d’Amérique et d’ailleurs, et des actes de discrimination envers cette minorité sont constatés chaque jour. S’il est aujourd’hui possible d’apprécier des oeuvres comme Brokeback Mountain, Harvey Milk ou encore le tout récent Moonlight, ce thème n’a pas toujours été accueilli à bras ouverts sur les écrans. En 2014, les affiches du film L’Inconnu du lac ont été retirées dans plusieurs communes françaises alors que La Vie d’Adèle a un temps été privé de son visa d’exploitation. Si l’histoire de l’homosexualité au cinéma n’a pas toujours été rose, elle n’est pas toute noire pour autant: certains s’y sont essayé avec succès par le passé et étonnamment, les premiers films qui l’abordent datent d’il y a plus longtemps que ce que l’on pourrait croire.
Dans son livre The Celluloid Closet, l’auteur américain Vito Russo montre comment le cinéma hollywoodien a évoqué le thème de l’homosexualité et pour lui, la première fois que le sujet a été amené à l’écran date d’il y a plus de 120 ans. Le (très) court-métrage appelé The Gay Brothers ou Dickson Experimental Sound Film sorti en 1895 montre deux hommes en train de danser au son d’un violon joué par le réalisateur de la séquence, William Kennedy Laurie Dickson.
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En 1929, la première cérémonie des Oscars de l’histoire décerne les prix du meilleur film et des meilleurs effets d’ingénierie à Wings où l’on pouvait voir une scène où deux soldats s’embrassent avant que l’un des deux meure dans les bras de l’autre. Jusqu’à cette époque, le thème semblait être accepté pour autant qu’il ne puisse pas y avoir de confusion sur le genre des personnages.
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Selon Harry M. Benshoff et Sean Griffin, deux autres écrivains à s’être penché sur cette question (America on film: representing race, class, gender, and sexuality at the movies), la Grande Dépression qui a eu lieu pendant la fin des années 1920 et 1930, a eu de mauvaises répercussions sur la façon dont les homosexuels étaient représentés par les réalisateurs. À cette époque, ils ont été montrés de la pire des manières dans le but de choquer pour attirer les foules qui avaient déserté les cinémas à cause de la crise économique. Mais cela a aussi eu pour effet de contrarier les mouvements religieux qui boycottent les films, ce qui oblige les distributeurs américains à établir un code de bonne conduite visant à cacher l’homosexualité ou à la montrer de manière négative. Si la décision d’annuler ces règles date des années 1950, il faudra attendre près de 20 ans avant de voir l’arrivée de personnages s’assumant complètement. En voyant la croissance des mouvements pour les droits LGBT, les producteurs de cinéma ont vu cette communauté comme un client potentiel, ce qui les a amenés à modifier leur façon de penser. Le film The Boys in the Band sorti en 1970 est le premier d’une longue série à présenter la véritable vie de personnes gays ou bisexuelles en Amérique, mais malgré la tolérance grandissante à propos de ces thèmes, certains réalisateurs continuent de les montrer comme des individus malades qui doivent être soignés ou tués comme William Friedkin dans son film Cruising sorti en 1980, où l’on voit Al Pacino enquêter sur une série de meurtres chez les homosexuels dans un quartier de New York.
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Le milieu des années 1980 marque l’arrivée d’un nouveau mouvement politico-religieux qui s’oppose aux droits des communautés LGBT et qui est assez puissant pour boycotter massivement la sortie d’un film. Au même moment, le virus du SIDA est découvert chez un grand nombre de patients homosexuels. L’ignorance à propos de cette maladie et la façon dont elle se répand a causé une augmentation de l’homophobie dans la population. Pendant cette décennie, de plus en plus de personnes ont osé faire leur coming out publiquement, parmi lesquelles des célébrités et des politiciens, ce qui a aidé à ouvrir le débat à propos de la sexualité humaine.
En 1992, on entend pour la première fois parler du terme New Queer Cinema qui caractérise un mouvement de cinéma indépendant où les réalisateurs mentionnent ouvertement de sexualité à l’écran. Ce changement de mentalités s’est rapidement répandu aux oeuvres destinées au grand public qui ne voyaient plus l’intérêt de décrire les homosexuels comme une minorité déviante. Malgré l’arrivée de nombreux longs-métrages, il faudra attendre 2005 et Brokeback Mountain de Ang Lee pour enfin voir un film abordant la thématique être largement acclamé par le public et la critique. Plus de 80 ans après Wings, les Oscars priment un film dont les protagonistes principaux sont ouvertement gays.
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Des prix parallèles ont également vu le jour dans les principaux festivals de films européens. Si le Teddy Award est décerné à la Berlinale depuis 1987, il aura fallu attendre 2007 pour que le Queer Lion fasse son apparition à la Mostra de Venise et 2010 pour voir l’arrivée de la Queer Palm au Festival de Cannes. Au palmarès de ces différentes récompenses, retrouve des films comme Kaboom de Gregg Araki, Laurence Anyways de Xavier Dolan ou encore The Danish Girl de Tom Hooper.
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La cérémonie des Oscars qui aura lieu le 26 février aura elle l’occasion de sacrer le film Moonlight nommé dans huit catégories. Ce film qui retrace le parcours de Chiron qui peine à trouver sa place dans la société et s’ouvre à l’homosexualité dans son adolescence fait en tout cas partie des outsiders des Oscars.
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