Critique | Cinéma

Pauvres créatures (Poor Things): une revisite délicieusement bizarre du mythe de Frankenstein avec une formidable Emma Stone

4 / 5
© Atsushi Nishijima
4 / 5

Titre - Pauvres créatures (Poor Things)

Genre - Comédie fantastique

Réalisateur-trice - Yórgos Lánthimos

Casting - Avec Emma Stone, Willem Dafoe, Mark Ruffalo

Sortie - En salles le 17 janvier 2024

Durée - 2 h 35

Yórgos Lánthimos donne un tour féminin et lascif au mythe de Frankenstein dans une fable de science-fiction délicieusement bizarre.

Lorsqu’Alasdair Gray a publié son roman Poor Things en 1992, l’écrivain écossais aujourd’hui décédé ne pensait sans doute pas que sa déclinaison excentrique du mythe de Frankenstein serait un jour adaptée au cinéma. Quel réalisateur se serait risqué dans ce récit grotesque d’une jeune femme ramenée à la vie, à laquelle on a implanté le cerveau d’un fœtus et qui découvre ensuite sa sexualité, son autonomie et la morale hypocrite de la société patriarcale? Poser la question, c’est y répondre. Du moins jusqu’à aujourd’hui et l’entrée en scène de Yórgos Lánthimos. C’est que le réalisateur grec de Canine, The Lobster et La Favorite a fait de l’hybridation de genres sa marque de fabrique.

Dans Poor Things, il continue sur sa lancée, joyeusement grimaçante, en costumes et corset. Il nous transporte cette fois dans le cabinet victorien du Docteur Godwin Baxter (Willem Dafoe, affûblé de cicatrices atroces et d’un menton démesuré), savant fou qui ne se contente pas de réassembler des morceaux d’animaux. Le monstre humain ici de service, c’est Bella. Et dans ce conte de fées féministe, la petite fille grandit plus vite que prévu, au grand dam de son possessif créateur et de Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo), avocat louche qui l’entraîne dans une odyssée sexuelle à travers l’Europe.

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Comme le monstre (masculin) de la fable gothique de Mary Shelley, Poor Things est un curieux assemblage de pièces hétéroclites. Un peu de science-fiction, un peu d’horreur, un peu de satire sociale, un peu de Pygmalion, d’Alice au pays des merveilles et de Germaine Greer, mais surtout beaucoup de farce. On sent aussi le plaisir qu’éprouve Lánthimos à pousser Bella -interprétée avec un dévouement sans borne par Emma Stone- à se prêter, à la fois physiquement et émotionnellement, à toutes les positions. Le réalisateur et son directeur de la photographie Robbie Ryan recourent à nouveau avidement aux plans en fish-eye, déjà abondamment utilisés pour capturer les cabrioles peu royales de La Favorite, et à des décors colorés en trompe-l’œil, censés représenter Glasgow, Paris et Lisbonne en 1880.

Certes, les chambres et les cabinets victoriens dégagent parfois quelques effluves d’autosatisfaction et Lánthimos tire souvent sur les mêmes ficelles pendant les 141 minutes (bien remplies) du film. Mais cela n’empêche pas ce débridé, fou et merveilleux Poor Things de susciter le plaisir, au fil de séquences qui passent d’un noir et blanc lumineux à des couleurs éclatantes, portées par la partition excentrique de Jerskin Fendrix. Et surtout, Emma Stone y livre une performance orgasmique oscarisable dans la peau de cette Bella Baxter en quête d’amour, d’acceptation et de conscience de soi. Pour paraphraser le docteur Victor Frankenstein: elle est vivante!

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