Olivier Masset-Depasse passe à l’action avec Largo Winch: “Je voulais un héros qui souffre”

Largo Winch (Tomer Sisley) et son double maléfique, incarné par James Franco. © Pan Distribution / Guillaume van Laethem

Avec Largo Winch: le prix de l’argent, le Belge Olivier Masset-Depasse passe à l’action. Le réalisateur de Cages, Illégal et Duelles s’y essaie à un genre jusqu’ici inconnu du cinéma belge francophone: le film d’aventures, et même, la franchise grand public.

Autant la BD belge n’est pas avare en intrigues qui regorgent d’action, en grande partie grâce à Jean Van Hamme, créateur de Thorgal, XIII ou Largo Winch, autant le cinéma belge n’est pas franchement reconnu pour sa capacité à taquiner le genre, pour d’évidentes raisons de moyens (pas facile de financer des films à 10 millions d’euros sur un si petit territoire) mais peut-être aussi de culture cinématographique. Dominé par ce qu’on désigne un peu paresseusement comme des « films d’auteur », le cinéma belge n’est ainsi pas un habitué des courses-poursuites, explosions et autres combats au corps-à-corps. C’est donc toute une grammaire qu’Olivier Masset-Depasse a dû aller chercher ailleurs quand est tombée du ciel l’opportunité de se frotter (et se piquer un peu) au film d’action et d’aventures avec Largo Winch, le prix de l’argent (lire la critique ici), genre qui avait illuminé ses jours de jeune cinéphile. « Pour moi d’abord il y a eu Spielberg, confie le cinéaste. J’ai bien dû voir quelques Schwarzenegger, mais je me souviens que les films qui m’ont marqué, c’était plutôt L’Arme fatale, ou Die Hard. Ces films apportaient une fraîcheur au genre. Il y avait ce duo truculent dans le premier, et puis John McClane, ce héros tourmenté mais qui nous ressemblait tellement, dans le second. Autant d’énergies que j’ai voulu retrouver en revisitant Largo Winch. Dans les deux premiers épisodes, c’était un milliardaire un peu froid, mais moi je ne voulais pas d’un héros distant à la James Bond. Je voulais un héros qui souffre, et qui ressente de vraies émotions.« 

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Des coups, des vrais

Pour souffrir, on peut dire qu’il souffre, Largo. On peut même dire qu’il en prend pour son grade. « C’est vrai que c’est un peu un chemin de croix, s’amuse Masset-Depasse. D’abord, je voulais qu’il encaisse des coups, des vrais. La première choses à faire quand on imagine une scène d’action, c’est de définir le genre de combat, choisir son art martial en somme. Je ne voulais pas de kung-fu, mais plutôt quelque chose de très âpre, une sorte de croisement entre le full-contact, la boxe thaï et le krav maga. Les bagarres dans des films comme Fast and Furious, ça peut être jouissif, mais on n’y croit pas une seconde. Moi je voulais que ça fasse mal, comme dans les premiers John Wick, ou dans The Raid (un film de Gareth Evans qui se passe en Indonésie, NDLR), où l’on voit que les poings touchent vraiment les corps. Je voulais aussi que les comédiens fassent un maximum de leurs cascades et leurs combats eux-mêmes. Evidemment, il faut des athlètes pour ça, et un travail très étroit avec le coordinateur de cascade, qui chorégraphie les mouvements. Il a fait preuve d’une grande créativité pour que ça reste spectaculaire tout en conservant l’ambition dramatique et cinématographique et en s’adaptant au budget. »

Ces scènes-clés sont clairement les moments de bravoure du film, c’est sur elles avant tout qu’il sera jugé. Mais comment les écrit-on? « Avec mon co-scénariste, nous voulions que les scènes d’action racontent l’histoire. Nous voulions aussi qu’elles soient longues, qu’elles durent de 7 à 10 minutes, ce qui permettait de les structurer comme des petits films en soi. Comme nous n’avions pas les moyens d’un gros blockbuster, il était important que l’on ne perde pas de vue les enjeux des personnages. Chaque scène d’action a une couleur particulière, liée aux personnages. La première scène est liée à l’impuissance d’un père à sauver son fils. La deuxième est liée à la rencontre avec Bonnie (Elise Tilloloy), donc il fallait que ce soit plus cocasse et humoristique, et qu’en même temps ça montre l’ingéniosité de chacun. La dernière mettait en scène le héros face à son double maléfique, sommé de rendre des comptes et de payer pour ses péchés. »

© Pan Distribution / Guillaume van Laethem

Contradictions intimes

Ce double est incarné dans le film par James Franco, ravi de jouer les méchants. « Pour moi, le vilain idéal exprime les tourments intérieurs du héros, à l’image du Joker chez Nolan, qui représente en réalité le chaos interne de Batman, poursuit Olivier Masset-Depasse. Mais je dirais que Largo est de toutes façons un anti-héros. Je préfère quand les héros sont aussi des anti-héros. Le héros en lui-même n’est pas très intéressant. Les gens parfaits, on s’en moque, on veut des conflits intérieurs, des contradictions intimes. Largo n’est que contradictions, il voudrait améliorer quelque chose qui ne peut pas être amélioré sur le fond, il se bat contre des moulins à vent. Son véritable ennemi est à l’intérieur de lui-même. »

Pour terminer, on lui demande quel était le plus grand défi pour lui, en prenant les manettes d’un film d’action, de franchise même, alors qu’il aurait pu rester dans une certaine zone de confort. Olivier Masset-Depasse.: »D’abord, en termes de divertissement, il fallait être à la hauteur des films précédents, qui disposaient d’un plus gros budget. Et puis il fallait tenir bon sur la vision artistique: rendre le personnage complexe et attachant, développer une masculinité plus contemporaine, avec des scènes d’émotion. Et faire un film assez sombre, voire tragique, même si c’est contrebalancé par l’exotisme, l’humour et l’aventure. » Pari tenu.

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