Mostra de Venise: Guillermo Del Toro, un Lion rugissant
Le cinéaste mexicain remporte le Lion d’or pour The Shape of Water, conte fantastique et parabole sur le monde d’aujourd’hui. Le palmarès commenté.
Une sélection de haut vol, saluée de toutes parts, et un palmarès consensuel mais guère discutable (même si Frederick Wiseman ou Hirokazu Kore-eda auraient pu s’y frayer un chemin): la 74e Mostra de Venise s’est achevée sans fausse note samedi soir. Avec The Shape of Water (notre critique), du Mexicain Guillermo Del Toro, le jury présidé par Annette Bening a couronné un film virtuose, l’auteur du Labyrinthe de Pan situant dans les replis de la Guerre Froide une singulière histoire d’amour unissant une employée muette d’une base américaine et la mystérieuse créature amphibie y faisant l’objet d’expériences secrètes. Soit, sous ses airs de La Belle et la Bête revisitée, une fable sensible sur la différence doublée d’une parabole percutante sur l’Amérique et le monde d’aujourd’hui. Et un film virevoltant – on le croirait chorégraphié par Gene Kelly – voulu comme un antidote « contre la peur et le cynisme » par son réalisateur.
Huit ans après avoir obtenu le Lion d’or pour Lebanon, l’Israélien Samuel Maoz repart avec un Grand Prix du jury largement mérité pour Foxtrot. S’inspirant de sa propre expérience de soldat, le cinéaste signe une oeuvre audacieuse et bouleversante, un ballet en trois temps (et autant de styles différents), où la douleur d’un couple apprenant la perte de son enfant s’inscrit dans un contexte d’ensemble où la guerre, absurde, n’en finit plus de dicter son tempo. Enfin, le Français Xavier Legrand complète le podium avec le Prix de la mise en scène octroyé à Jusqu’à la garde (en plus de celui du Lion du Futur pour la première oeuvre), un film glissant insensiblement du drame social – des parents divorcés s’y disputent la garde de leur enfant – au cinéma d’horreur, en un crescendo saisissant.
La suite du palmarès est peu ou prou conforme aux attentes: Prix du meilleur scénario, Three Billboards outside Ebbing, Missouri (notre critique), du Britannique Michael McDonagh, dresse le portrait inspiré et admirablement ciselé d’une petite bourgade de l’Amérique profonde; quant à Sweet Country (notre critique), de Warwick Thornton, Prix spécial du jury, il adopte avec bonheur la forme d’un western immersif pour questionner le passé (et le présent) de l’Australie dans un pur élan de cinéma. Les prix d’interprétation ne souffrent guère plus de discussion: Charlotte Rampling est magistrale dans Hannah, l’introspection dépressive d’Andrea Pallaoro, et si The Insult, de Ziad Doueiri, ne comptait pas parmi les films inoubliables de la sélection, Kamel El Basha y est pour sa part irréprochable. Enfin, l’excellent Charlie Plummer, Prix du meilleur espoir, imprime une fragile intensité à Lean on Pete, récit d’adolescence lumineux et douloureux à la fois. Et, en ce sens, bien dans la tonalité de cette Mostra…
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