Michiel Blanchart réalise le thriller «La nuit se traîne»: «J’avais envie de m’amuser dans Bruxelles»

Wonder boy du cinéma belge adoubé par Sam Raimi en personne, Michiel Blanchart débarque avec La nuit se traîne, premier long métrage percutant qui épouse les codes du cinéma de genre tout en le chargeant discrètement d’un contexte politique et sociétal incandescent.

L’un de mes tout premiers souvenirs, c’est la patte du T-Rex qui s’enfonce dans la boue… » Michiel Blanchart, dont sort le premier long métrage La nuit se traîne (lire la critique ici), est né en 1993, sous les auspices cinématographiques du maître Spielberg. S’il est trop jeune pour voir Jurassic Park au cinéma, c’est sur VHS qu’il le découvre, un peu jeune peut-être, mais émerveillé par cette porte ouverte sur d’autres mondes qui stimule son imaginaire et décuple ses émotions. Quand on lui demande quand il a su qu’il voulait faire du cinéma, c’est comme une évidence: « Même si ça a l’air naïf, je ne me suis jamais vraiment posé la question. J’ai su que je voulais faire des films avant même de comprendre qu’il fallait faire quelque chose de sa vie, avoir un métier. J’ai grandi à la campagne, mes sœurs plus âgées avaient quitté la maison, je vivais seul avec ma mère car mon père travaillait à l’étranger. J’ai passé énormément de temps seul, à regarder des vidéos. Vers 7 ans, j’ai commencé à faire des films avec mon voisin de 70 ans. J’empruntais sa caméra, et comme j’étais un peu jeune, c’est lui qui filmait mes bêtises, alors que j’imitais les films d’espionnage que je voyais. J’ai toujours voulu faire ça, et quand j’ai compris que le métier de réalisateur existait, qu’il y avait des études pour ça, j’ai foncé. Pour moi le réalisateur, c’était le vrai enfant de l’histoire, celui qui jouait avec ses comédiens, ses accessoires, ses caméras.« 

Autant dire que le mot vocation n’est pas usurpé ici. Et que parfois, avec un peu de chance et beaucoup de talent, les contes de fées (ou de super-héros) peuvent aussi devenir réalité. Comme en ce jour de 2021 où Michiel apprend que l’un des héros de son enfance veut acquérir les droits de son court métrage pour en faire un long aux États-Unis… « Le premier film que j’ai vu en salle, c’était le Spider-Man de Sam Raimi. Aujourd’hui, je travaille avec lui sur mon prochain projet, c’est complètement fou. » Ce film, c’est You’re Dead Helen, adaptation donc de T’es morte Hélène, découvert au très coté festival du film fantastique de Gérardmer. Dans la foulée, Blanchart est contacté sur Facebook par l’agent aux États-Unis de Bong Joon-ho. « On est en plein Covid, donc on se contacte à distance, et la rencontre se passe super bien. Il me demande quels sont les réalisateurs qui m’inspirent. Je lui parle de Sam Raimi, et quelques jours après, je parle à Sam Raimi sur Zoom! » Le film est actuellement en production, et il est prévu que Michiel le réalise.

L’acteur Jonathan Feltre et le réalisateur belge Michiel Blanchart ont présenté La nuit se traîne à Paris fin août. © Berzane Nasser/ABACA/Belga

En une nuit

Mais en attendant, hors de question de se tourner les pouces. « Après T’es morte Hélène, j’avais de nombreux projets en tête, mais sûrement trop ambitieux, notamment un film de science-fiction dans un monde post-apocalyptique. En discutant avec l’un de mes producteurs, il me dit: « Tu ne nous écrirais pas un film coup de poing, qu’on puisse tourner à Bruxelles, sans trop de moyens? » Moi j’avais toujours eu le fantasme que mon premier film se passe en une seule nuit, avec un concept assez simple, immédiat. Le film est devenu de plus en plus ambitieux en cours de route, mais j’ai très vite eu l’idée d’un serrurier qui ouvrirait une porte sans savoir ce qu’il y a derrière, un terrain très fertile pour le cinéma que j’avais envie de faire. On est en 2020, il y a des manifestations Black Lives Matter un peu partout dans le monde, et en Belgique comme ailleurs, il y a une vraie prise de conscience à propos des violences policières, une question qui me remue et me met en colère. Petit à petit, tout ça s’est cristallisé autour du personnage de Mady. »

Étudiant le jour, Mady est serrurier la nuit. Discret, appliqué et déterminé, il s’efforce de ne pas faire de vague, bien conscient qu’en tant que jeune homme noir, son meilleur profil est sûrement le profil bas. Embarqué malgré lui dans une aventure criminelle, il est le anti-héros par excellence, sommé d’endosser un costume trop grand pour lui. Pour s’en sortir, il est contraint de se faire passer pour un dur, rôle qu’il joue presque faux. « C’est exactement ça, un anti-héros, poursuit le réalisateur. Pas dans le sens où ses valeurs ne seraient pas droites, mais parce que c’est quelqu’un de doux, de sensible et d’honnête, qui ne cherche pas à attirer l’attention. Dans un monde particulièrement injuste, après avoir traversé de terribles épreuves, il se découvre pourtant la force de faire ce qui lui semble juste, avec tous les risques que ça représente. Tout au long du film, il essaie de survivre en se frayant un chemin dans un monde brutal, en répondant aux coups par les coups, même si on sent bien que ce n’est pas dans sa nature. Je voulais traiter les questions du racisme ordinaire et des violences policières, tout en donnant à mon personnage un élan romanesque, en lui offrant l’opportunité d’incarner un espoir humaniste. Mady représente notre époque, et pourtant c’est un héros que l’on voit peu dans le cinéma belge. »

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Le cinéma belge, on y vient justement. Il est vrai qu’il ne nous a pas habitués aux scènes d’action, qui trouvent ici un terrain de jeu magnifié dans les rues de Bruxelles. « Je voulais des scènes d’action très soignées, où l’on joue avec la géographie de la cité. Ça fait dix ans que j’habite ici, et j’avais envie de m’amuser dans ma ville, de me la réapproprier avec les codes du cinéma que j’aime, un cinéma de genre où chaque scène d’action a un but narratif qui fait avancer l’histoire et évoluer le personnage. À chaque scène, Mady est confronté à des choix qui vont montrer l’ampleur de ses ressources, tout en lui posant des dilemmes moraux. C’est pour ça que j’ai voulu traiter les scènes d’action comme des scènes dramatiques, très intenses émotionnellement. » Pari réussi, avec cette folle nuit bruxelloise d’une belle intensité dramatique et émotionnelle, et d’une pertinence toute contemporaine.

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