Les Schtroumpfs de retour au cinéma: «Il faut être souple et ne pas dire non à tout», dit la fille de Peyo

Les Schtroumpfs se retrouvent dans une superproduction américaine, coproduite par Rihanna.
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

La petite invention belge est devenue un géant de l’entertainment global. Le fruit d’une évolution assumée par la fille de Peyo, notre Walt Disney.

Soixante-sept ans après leur création dans les pages du Journal de Spirou et dans une aventure de Johan et Pirlouit en tant que petits personnages secondaires pas spécialement destinés à avoir un avenir, les Schtroumpfs étaient de retour il y a quelques jours et en (très) grande pompe à Bruxelles pour l’avant-première mondiale de Les Schtroumpfs, le film, le nouveau long métrage d’animation mettant en scène les petits lutins bleus. Cette superproduction américaine destinée au marché international, mêlant animation, musical et, parfois, prises de vues réelles, est coproduite par une énorme star qui y pousse la chansonnette et prête sa voix à la Schtroumpfette, Rihanna, qui a honoré de sa présence (éclair et en retard) cette avant-première et son tapis rouge repeint en bleu pour l’occasion. Un véritable événement médiatique et populaire comme on en n’avait plus vu à Bruxelles depuis le Tintin de Spielberg –médias du monde entier, influenceurs triés sur le volet, vedettes locales venues en masse et badauds par centaines– qui aura nécessité un service d’ordre hors norme et près de 200 prestataires sur place.

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Une affaire en or pour le « Soft power» de la ville et de son bourgmestre («On leur a fait open bar!», s’exclamait-il ce samedi-là), mais aussi un bel honneur rendu par le producteur américain Paramount à la belgitude de sa nouvelle licence, pour laquelle il a signé un accord avec Véronique Culliford et sa société IMPS, «si l’option est levée», portant sur quatre films. «Je crois qu’ils tenaient à marquer leur différence avec la dernière trilogie de films qui avait été produite par Sony, lequel prêtait moins d’attention aux racines belges des Schtroumpfs, nous expliquait la fille de Peyo quelques jours avant ce grand ramdam. Ici, au contraire, on a senti tout de suite que ces racines les intéressaient. Les Schtroumpfs sont nés en Belgique et dans une bande dessinée, on a parfois tendance à l’oublier! Même dans leurs techniques d’animation, qui respectent évidemment à la lettre la Bible de personnages qu’on leur avait fournie, ils font plus volontiers des références à la BD. Du moins dans les extraits que j’ai pu voir.» Véronique Culliford attendait en effet elle aussi l’avant-première pour voir ce nouveau film dans sa totalité. «Sony, par contre, nous invitait à chaque fois aux USA pour voir les films avant. Ce sont deux majors différentes, mais tout s’est passé ici, dans une vraie harmonie.»

«Les Schtroumpfs devaient évoluer parce que la demande était là.»

Souplesse et véto

La fille de Peyo, qui a commencé à aider son père dans ses affaires il y a près de 40 ans en mettant de l’ordre dans son bureau, ne semble en tout cas pas effrayée par l’ampleur du deal, des partenaires et de la tâche. Derrière la simplicité et les rires de la Bruxelloise se cache une redoutable femme d’affaires qui a fait des Schtroumpfs la seule licence véritablement mondiale, et bien vivante, née dans la bande dessinée franco-belge, loin devant un Astérix très francophone, ou un Tintin qui reste, au cinéma, un des rares flops de Spielberg.

Véronique Culliford a très vite compris que la pérennité passait par l’exploitation continue des personnages sur tous les supports (bande dessinée, animation, série de dessins animés), le jeu des licences et, surtout, par une inévitable souplesse quant à l’adaptabilité de l’univers des Schtroumpfs tel que l’avait mis en place Peyo en 1958. «Un village de 100 garçons uniquement occupé par une femme, elle-même née d’un sorcier… Oui, les temps ont changé et les époques aussi. Les Schtroumpfs devaient évoluer parce que la demande était là. C’est pour ça que notre studio a créé, en bande dessinée, un village de filles, et que ce film met la Schtroumpfette à l’honneur. Il faut accepter les évolutions proposées pour ce film destiné aux enfants du monde entier. Bien sûr, il y a toujours des incontournables sur lesquels on garde un droit de véto: les Schtroumpfs ne boivent pas d’alcool, ne fument pas de cigarettes, ne parlent ni de religion ni de politique et véhiculent toujours des messages positifs, comme dans le film avec l’apparition d’un « Schtroumpf sans nom » qui va apprendre l’estime de soi. Mais pour le reste, il faut être souple et ne pas dire non à tout.»

Une philosophie sans doute, pour une fois en phase avec les intentions du créateur originel qui, le premier, a vendu l’exploitation de ses personnages en figurines ou en dessins animés à Hanna Barbera et espérait qu’ils lui survivent. «La grande inquiétude de mon père, était « Est-ce que ça plaira encore? » Une vraie angoisse de créateur, et de cette école-là. Mais je crois qu’on peut le rassurer.»

Les Schtroumpfs, le film

Film d’animation de Chris Miller. Avec les voix de Sofia Essaïdi, Rihanna, Jérôme Commandeur. 1h32.

La cote de Focus: 3,5/5

Les Schtroumpfs, le film, premier long métrage d’animation sur les petits lutins bleus depuis 2017, se veut un reboot moderne et actualisé de la marque Smurf. Dont acte: les voilà devenus «les anges gardiens du Bien» face à «l’alliance des sorciers maléfiques»! Soit un gloubi-boulga de références entre Avengers et Harry Potter plein de multivers, de personnages non-schtroumpfs et de techniques d’animation différentes, sans oublier une Rihanna très impliquée dans son rôle de Schtroumpfette devenue leader badass et reine du «positive thinking». Rien à voir donc, et pourtant: non, on n’a pas pleuré des larmes de sang, et on a même souri devant quelques bonnes idées (le Schtroumpf bruiteur, pas mal). Bref, amenez-y vos (petits-)enfants, ils s’y retrouveront. Ce sera sans doute moins le cas de vos propres souvenirs.

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