Le glaneur et la glaneuse

Agnès Varda et JR © Ciné-Tamaris/Social Animals
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Agnès Varda et le photographe JR sillonnent les routes et les trombines de France dans Visages Villages, présenté hors compétition ce vendredi à Cannes.

Le générique d’ouverture, animé, fait défiler les noms des quelques centaines de contributeurs ayant permis de financer le film via une campagne de crowdfunding qui aura eu ses détracteurs. L’aura et la popularité de ses deux auteurs -elle a 88 ans, il en a 33…- ne sont plus à faire, certes, mais un documentaire n’est jamais facile à monter se défendent les intéressés. L’idée? Sortir des villes, aller vers la campagne et l’inconnu à bord d’un camion photomaton. Rencontrer des gens, échanger, leur tirer le portrait et exposer des galeries de visages gigantesques au grand air. Anciens mineurs du nord, dockers du Havre, agriculteurs… « C’est comme un jeu« , s’amuse Varda.

Alors bien sûr, il faut se farcir la bande-son champêtre du simili-manouche châtré Matthieu Chedid. Bien sûr, la passion pour le labeur prolétaire que nourrit le très hipsterisant et démago JR, aux indéboulonnables chapeau et lunettes noires, semble parfois davantage tenir de l’exotisme intello-bobo que du cri du coeur. Mais, peu à peu, le film, inégal, gagne en densité et, mieux, en authenticité. Le titre Visages Villages résume bien l’approche marabout, bout de ficelle du documentaire selon Varda. « Visages, villages, collages, partage« , comme elle le dit elle-même, rappelant au passage que le hasard a toujours été le meilleur de ses assistants. Et c’est là que le projet devient vraiment intéressant, dans sa capacité à ne pas suivre ses propres règles, à se réinventer au fil du voyage. Et si le vrai sujet du film, ce n’était pas Varda elle-même, au fond? Ses fulgurances poétiques, sa capacité à regarder sa mort prochaine droit dans les yeux, son bonheur à réenchanter la vie et le monde, sa foi dans le pouvoir de l’imaginaire -qu’elle renvoie à ses fameuses patates en forme de coeur à l’aide de ses vieux pieds fripés ou se fende d’un clin d’oeil gentiment moqueur au Bande à part de Godard, qu’elle finit par aller visiter mais qui ne lui ouvre pas sa porte et la fait même pleurer en évoquant le souvenir de Jacques Demy par message interposé. « T’es une peau de chien« , marmonne-t-elle alors. Agnès V. par… Agnès V., en somme.

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