Le film d’Ozon sur la pédophilie dans l’Eglise, récompensé à Berlin, sortira bien en salles

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FocusVif.be Rédaction en ligne

Grâce à Dieu, le film de François Ozon sur la pédophilie dans l’Eglise française, retracé du point de vue des victimes, a été autorisé par la justice à sortir comme prévu mercredi en France (*), malgré l’opposition d’un prêtre inculpé dans ce dossier.

Le père Bernard Preynat, prêtre poursuivi pour agressions sexuelles dans cette affaire dont le jugement sera rendu cette année à une date non précisée, avait assigné en référé le cinéaste pour obtenir un report de la sortie en salles du film, qui a reçu samedi le Grand prix du jury à la Berlinale, deuxième prix majeur après l’Ours d’or.

« La décision très bien motivée reconnaît que le film – avec les avertissements qui l’accompagnent – ne justifie pas les mesures demandées qui menaçaient sa sortie », s’est réjoui auprès de l’AFP Me Paul-Albert Iweins, l’un des deux avocats du producteur et du distributeur du film.

Pour Me Emmanuel Mercinier, avocat du père Preynat, le juge « considère que le fait d’insérer un carton à la dernière seconde du film indiquant que le père Preynat bénéficie de la présomption d’innocence répond aux exigences de la loi, la culpabilité de ce dernier n’étant dès lors pas présentée comme acquise ».

Il a regretté « amèrement cette décision, non seulement dans l’intérêt du père Preynat, mais plus largement dans l’intérêt général ». « Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n’a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomption d’innocence », a-t-il dit. Selon ses défenseurs, le père Preynat, fera appel.

Appel de la décision

L’ensemble de l’affare s’est déroulée à Lyon (sud-est) et une autre audience s’y tenait ce lundi, concernant ce film: une ex-membre du diocèse de Lyon, Régine Maire, représentée dans le film sous son nom, réclame que celui-ci n’apparaisse pas dans le long métrage.

Grâce à Dieu, qui donne seulement les prénoms des victimes, cite nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire – dont les noms, se justifie François Ozon, « étaient déjà dans la presse ».

Le film raconte la naissance de l’association de victimes La Parole Libérée, fondée à Lyon en 2015 par d’anciens scouts accusant Bernard Preynat de les avoir sexuellement abusés, selon trois d’entre eux. Sa date de sortie avait été programmée en raison de sa sélection à la Berlinale, selon François Ozon, hors de toute considération judiciaire.

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Le procès du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, et de cinq autres personnes pour non dénonciation d’agressions sexuelles pédophiles dans cette affaire s’est tenu début janvier à Lyon. Le jugement est attendu le 7 mars. Mis en examen depuis janvier 2016, le père Preynat pourrait quant à lui être jugé cette année.

François Ozon, prolifique réalisateur de Huit femmes et Swimming Pool, avait estimé samedi à Berlin que si le film était suspendu de projection jusqu’au procès du père Preynat, « ce serait une sorte de censure ».

« Le plus équilibré possible »

« Ce film essaie de rompre le silence d’institutions puissantes » sur ces affaires d’abus sexuels d’enfants, a déclaré à Berlin le metteur en scène français de 51 ans en recevant sa récompense. « Je veux partager ce prix avec les hommes libres qui m’ont inspiré » qui « ont été victimes d’un prêtre pédophile », a-t-il ajouté, ému. « Alexandre, François et Pierre-Emmanuel, vous êtes mes héros. »

Avec cette « fiction basée sur des faits réels », dans laquelle il utilise seulement les prénoms des victimes mais cite nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire – dont les noms, dit-il, « étaient déjà dans la presse » -, François Ozon a expliqué à l’AFP avoir voulu faire « un film citoyen » qui « pose des questions ».

Mais ce n’est pas « un film sur l’actualité », ni « à charge contre l’Eglise », a-t-il dit. « Mon film ne se place pas sur un aspect judiciaire, il se place sur l’aspect humain et sur la souffrance des victimes », a indiqué le réalisateur, qui a expliqué avoir pensé au départ « à tort » que les procès auraient lieu avant la sortie de son film.

Son film, à la mise en scène sobre, pour lequel il a rencontré plusieurs victimes et mené « une enquête assez journalistique », est construit en trois parties comme un passage de relais entre ses trois personnages principaux. Il s’appuie largement, du moins dans sa première partie, sur les lettres et les échanges d’emails avec l’institution religieuse de l’une des victimes, Alexandre Hezez-Dussot, incarné par Melvil Poupaud., « J’ai essayé d’être le plus équilibré, le plus objectif possible », assure-t-il.

(*) La sortie belge est quant à elle prévue pour le 3 avril.

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