Le film de la semaine : Asako I & II, une nouvelle merveille de Ryûsuke Hamaguchi
Titre - Asako I & II
Genre - Drame/Romance
Réalisateur-trice - Ryûsuke Hamaguchi
Casting - Erika Karata, Masahiro Higashide, Rio Yamashita
Durée - 1h59
Sortie sur les grands écrans de Asako I & II, le film qui révélait Ryûsuke Hamaguchi au public cannois trois ans avant l’exceptionnel Drive My Car.
2022 restera sans conteste comme l’année Hamaguchi dans les cinémas belges: porté par un vent cinéphile favorable, Asako I & II est en effet le troisième long métrage du réalisateur japonais à sortir en quelques mois sur nos écrans, où l’avaient précédé le remarquable Contes du hasard et autres fantaisies et l’étincelant Drive My Car, ce dernier étant désormais disponible en DVD et VOD. Présenté en compétition à Cannes en 2018, Asako I & II est le film par lequel Ryûsuke Hamaguchi – déjà auteur d’une dizaine de longs métrages, fictions et documentaires, dont Senses, primé à Locarno – a accédé à une large reconnaissance internationale. Le cinéaste y adapte le roman de Tomoka Shibasaki Netemo sametemo (inédit en français), pour un drame d’humeur romantique doublant le récit d’une obsession amoureuse d’un lumineux portrait au féminin.
SENTIMENT DE DÉJÀ-VU
L’histoire s’ouvre à Osaka, à l’occasion d’une exposition de Shigeo Gocho, où Asako (Erika Karata), une jeune femme de 21 ans, fait la connaissance de Baku (Masahiro Higashide), un DJ à la personnalité fantasque. Le coup de foudre est instantané – un échange de regards tout au plus – et le bonheur sans nuages, en dépit des absences répétées du jeune homme – «Je reviendrai toujours», lui assure-t-il, comme pour mieux disparaître, pour de bon bientôt. Deux ans et demi plus tard, Asako a refait sa vie à Tokyo, où elle tient un café, moment où elle rencontre Ryôhei, un salaryman plutôt effacé ressemblant trait pour trait à son premier amant (et interprété par le même Masahiro Higashide). Et de tomber à nouveau irrésistiblement sous le charme, la romance qui débute alors ayant un troublant parfum de déjà-vu…
Difficile de ne pas succomber pour sa part au charme d’Asako I & II. Ryûsuke Hamaguchi s’y affirme comme le peintre particulièrement inspiré des sentiments, du frémissement initial à une obsession travaillant l’inconscient, la réalité ouvrant sur un champ fantasmatique, le merveilleux en option. S’il cite aussi bien Ibsen que Tchekhov (annonçant d’ailleurs en cela Drive My Car), c’est aussi au cinéma de Rohmer et au Hitchcock de Vertigo que renvoie ce film étourdissant. A quoi le cinéaste nippon appose sa griffe toute personnelle, où la finesse de l’écriture trouve un prolongement limpide dans la mise en scène, tandis que le jeu des comédiens atteint une subtile intensité. Sous son apparente simplicité, le film charrie, l’air de rien, des émotions multiples. Non sans proposer une vision pénétrante du sentiment amoureux, son mystère défloré mais néanmoins préservé, et les sens en éveil à l’appel enivrant de l’inconnu. Un sommet de délicatesse, et la confirmation que Hamaguchi compte parmi les auteurs majeurs du cinéma contemporain.
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