Critique | Cinéma

Le film de la semaine: Arthur Rambo, de Laurent Cantet

4 / 5
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Titre - Arthur Rambo

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Laurent Cantet

Casting - Rabah Naït Oufella, Antoine Reinartz, Sofian Khammes. 1h27.

Sortie - 04/05

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Cela commence sur le fond vert d’un plateau de télévision: nouvelle coqueluche de la médiasphère parisienne, Karim D. (Rabah Naït Oufella) est reçu dans le cadre de @Préface pour y évoquer son premier roman, Débarquement, où il relate l’expérience de sa mère, Algérienne immigrée en France. L’émission fait un tabac, on s’arrache l’auteur, charismatique en diable; lors de la réception qui suit, une productrice envisage d’acheter les droits du roman et, pourquoi pas, de lui confier la réalisation du film à venir. Moment où une rumeur, d’abord presque imperceptible, parcourt l’assistance: Karim D. serait l’auteur, sous le pseudonyme Arthur Rambo, de tweets racistes, antisémites et homophobes qui viennent de ressurgir sur les réseaux sociaux. Et la machine médiatique de s’emballer, aussi prompte à le brûler qu’elle ne l’avait porté au pinacle. Le début d’un long chemin de croix pour le jeune homme qui, de réunion de crise avec sa maison d’édition en discussion avec ses copains parisiens, se voit sommé de s’expliquer. En pure perte, le transfuge social étant prestement rembarré de l’autre côté du périph’, où ses tentatives de justification ne trouveront pas meilleur écho, ni auprès de ses amis de la web TV qui l’accueillait, ni auprès de son jeune frère, abusé par sa logorrhée haineuse. Incompréhension que sa mère résumera d’un lapidaire: “Ici, on ne pense pas comme ça.

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À l’origine d’ Arthur Rambo, on trouve l’affaire Mehdi Meklat, auteur et chroniqueur que s’arrachait le Tout-Paris avant que son ascension fulgurante ne soit stoppée net, en 2017, quand il est rattrapé par une série de tweets orduriers qu’il avait postés sous le pseudonyme Marcelin Deschamps. “Je voulais pousser le bouchon le plus loin possible”, dira-t-il, évoquant une forme de provocation ultime pour voir jusqu’où on le laisserait aller.

Pensées parasites

Imprimant à cette histoire le décalage de la fiction, Laurent Cantet y puise la matière d’un film fascinant. Ne cherchant pas plus à juger qu’à exonérer Karim D./Arthur Rambo (que Rabah Naït Oufella, découvert dans Entre les murs, incarne avec toutes les nuances requises), le réalisateur de Ressources humaines en livre le portrait éminemment troublant, laissant s’exprimer ses ambiguïtés comme ses contradictions, non sans questionner le poids des mots et la responsabilité individuelle. Partant, le cinéaste explore, au-delà de son destin et de sa déchéance éclair, les mécanismes des réseaux sociaux et de la culture de l’immédiateté, avec les dérives qu’elle peut entraîner -en quoi il adopte d’ailleurs une forme idoine, ramassant l’histoire sur 48 heures et signant un film ultra-nerveux (son plus court à ce jour) où les tweets viennent s’incruster à l’écran, comme autant de pensées parasites. Et de livrer une radiographie pénétrante de l’époque, embrassant encore l’air de rien les fractures qui traversent la France d’aujourd’hui. Fort.

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