Critique | Cinéma

Klondike: un couple dans le chaos de la guerre du Donbass

© National

Titre - Klondike

Réalisateur-trice - De Maryna Er Gorbach

Casting - Avec Oksana Cherkashyna, Sergey Shadrin, Oleg Shcherbina.

Durée - 1h40

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Situé dans un village ukrainien proche de la frontière russe au début de la guerre du Donbass, Klondike plonge un couple Dans le chaos.

Klondike s’ouvre dans la pénombre d’un petit matin, alors qu’un obus tiré “par erreur” vient d’éventrer la maison d’un couple de fermiers ukrainiens vivant non loin de la frontière russe. Nous sommes le 17 juillet 2014, dans les premiers mois de la guerre du Donbass alors que, insensiblement, le conflit s’est importé dans leur village où s’opposent loyalistes et séparatistes pro-Russes. Des tensions qui n’épargnent d’ailleurs pas ce couple, Irka et Tolik: elle, pro-Ukrainienne et enceinte jusqu’aux yeux, refusant de quitter sa maison dont le séjour n’est plus qu’un trou béant ouvrant sur la campagne voisine; lui, souhaitant éloigner sa femme, et prêt pour ce faire à composer avec les milices qui patrouillent dans les environs. Circonstances d’une extrême confusion auxquelles vient s’ajouter le crash du vol 17 de Malaysia Airlines assurant la liaison entre Amsterdam et Kuala Lumpur, abattu non loin de là alors qu’il survolait des territoires contrôlés par les séparatistes -“Il faudrait qu’ils boivent moins et visent mieux”, observera Irka laconiquement, tandis que leur situation ne cesse objectivement de se détériorer…

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Des civils dans la guerre

Cinquième long métrage de la cinéaste ukrainienne Maryna Er Gorbach, Klondike nous arrive plus d’un an après avoir été récompensé à Sundance et avoir connu sa première européenne au Panorama de la Berlinale. Le tour pris par la guerre en Ukraine depuis février 2022 n’y est sans doute pas étranger, qui donne au film une résonance accrue. Pour autant, ses qualités intrinsèques ont indéniables: s’intéressant, comme son compatriote Sergei Loznitsa, au conflit sensiblement moins médiatisé s’étant déployé au Donbass, la réalisatrice en livre une vision aussi aiguisée que secouante, s’employant à traduire l’impact sur les civils d’une guerre dont elle ne se fait faute de donner la mesure absurde.

Une entreprise conduite avec un sens incontestable de la narration, la plongée au cœur du chaos étant orchestrée en un crescendo de violence psychologique autant que physique, tandis que l’horreur, d’abord insidieuse, s’affiche bientôt plus frontale. Une certaine idée du désespoir, si ne surnageaient, çà et là, des touches d’humour -grinçant ou désabusé-, mais plus encore d’une humanité que défend avec une énergie farouche la formidable Oksana Cherkashyna; ce n’est assurément pas par hasard que le film est dédié aux femmes. Et si ne s’exprimait aussi un pur regard de cinéaste, Maryna Er Gorbach témoignant d’un évident sens de la composition, idéalement servi par la photographie de Svyatoslav Bulakovskiy, à quoi la musique de Zviad Mgebry apporte un tour crépusculaire de circonstance. De quoi conférer à ce film dur et âpre une paradoxale beauté.

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