Juliette Armanet, comédienne dans Partir un jour: «Quelqu’un qui vous propose de chanter du K. Maro sur des patins à glace, c’est une chance inouïe, non?»

Juliette Armanet joue et chante dans Partir un jour, présenté en ouverture du Festival de Cannes. © DR

Ce 13 mai, le Festival de Cannes s’ouvre pour la première fois avec la projection d’un premier long métrage, où la musicienne et désormais comédienne Juliette Armanet tient le rôle titre.

Thierry Frémaux, programmateur du Festival de Cannes, a fait le choix de la légèreté pour ouvrir cette 78e édition, en sélectionnant Partir un jour, premier long métrage de fiction de la Française Amélie Bonnin, lauréate du César du meilleur court métrage en 2023. Une première fois pour la chanteuse et comédienne française Juliette Armanet aussi. «Je me voyais mal dire non à Amélie, le film me plaisait beaucoup à la lecture, et nous avions tissé un lien très fort lors du tournage du court. Je me sentais très raccord avec son éthique et son esthétique, avec l’histoire qu’elle avait envie de raconter. Le fait que ce soit un film musical me plaisait, je crois, aussi, que ça me rassurait. Et puis, c’est une chance inouïe d’avoir quelqu’un qui vous propose de chanter du K. Maro sur des patins à glace dans un film, non?», s’amuse l’artiste?

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Dit comme ça, on pourrait en douter, mais c’est bien le principe du film, que de se réapproprier des chansons populaires, des tubes un peu oubliés, passés voire dédaignés, pour en faire ressortir une forme de sagesse, ou à tout le moins, de bon sens. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, les chansons populaires mettent des mots sur nos maux, et offrent, l’air de rien, des réponses aux questions les plus existentielles. «La façon dont Amélie les a intégrées à son scénario, c’est aussi une manière de sublimer un répertoire populaire, des chansons qui sont la B.O. de nos vies, poursuit la chanteuse. Je me dis que dans les salles, au moins la moitié, voire les trois quarts des gens connaîtront ces chansons. Que de souvenirs remonteront. C’est la puissance émotionnelle du film, aller chercher ce que ça nous évoque intimement. Est-ce que ça rappelle une amitié, un amour, une rupture? Ça convoque quelque chose de très fort. Et rappelle à quel point ces chansons sont des ciments hyperpuissants qui nous relient de manière très forte les uns aux autres.»

«Partir un jour n’est pas un départ comme une fuite, c’est un départ vers une rencontre avec soi-même.»

Transfuge de classe


Il faut dire que Cécile, le personnage interprété par Juliette Armanet, est à un tournant de sa vie. Alors que le succès lui tend les bras, elle doute et s’interroge sur le sens de tout ça, ce qui la définit, les choix qu’elle a posés, qui elle est, en définitive. «Je trouvais ça très beau et fort de dresser le portrait d’une femme de 40 ans, de donner de la visibilité à cet âge-là de la vie d’une femme. J’aime beaucoup l’idée d’entamer cette recherche, comme un Petit Poucet qui chercherait les cailloux pour revenir sur ses pas. Qui suis-je? En quoi l’endroit d’où je viens me détermine ou me définit? Comment faire pour se ressembler vraiment? Au début du film, Cécile ouvre son resto, mais ne trouve pas son plat signature, par manque de définition sûrement. Toute cette trajectoire, revenir sur sa terre natale, aller au conflit avec son père, retrouver un amour d’adolescence laissé en suspens, ça la questionne. N’était-ce pas ça, sa vie, en fait, évoluer ici, aimer ici, faire des gosses ici? Un gouffre s’ouvre en elle: s’est-elle trompée de vie? Et puis, finalement, Partir un jour, ce n’est pas un départ comme une fuite, c’est un départ vers une rencontre avec soi-même.»

Bien sûr, que ce soit à travers les relations tendues avec son père, qui collectionne comme autant de reproches dans un petit carnet des citations d’interviews où sa fille semble remettre en question ses origines, ou dans la confrontation avec Raphaël, celui qui n’a pas bougé, la question qui surgit, c’est aussi celle d’une transfuge de classe. «Ça évoque Annie Ernaux bien sûr, ou le travail de nombreux auteurs et autrices, mais nous sommes nombreux à nous poser ces questions. Ce grand écart parfois entre l’endroit d’où on vient et celui où on va.»


Pour faire ressortir les textes, la réalisatrice a choisi de les intégrer de la façon la plus organique possible à l’action. «C’est un exercice très particulier pour une chanteuse. Amélie m’a répété qu’elle ne voulait pas que l’on entende « Juliette Armanet, la musicienne », que ce qui comptait, c’était d’entendre Cécile parler avec les chansons. Pour la prise de voix, elle n’a pas voulu que l’on enregistre les chansons avant ou après, elles sont chantées live sur le plateau, avec le même micro que les dialogues. On passe du parlé au chanté et vice versa, parce que les chansons sont le prolongement naturel des dialogues. C’est sans doute grâce à elles qu’on comprend mieux les personnages, et ce qui les traverse en profondeur, mais de manière assez pudique. Techniquement, j’avais une oreillette avec le son de la musique assez faible. C’était très éloigné des conditions studio, où on a un casque, la réverbération qui sublime la voix. Je dirais même qu’au contraire, il y a un endroit d’abandon absolu à chercher. Laisser voir les failles, les endroits où ça s’échappe.»

Accepter de se laisser diriger a aussi été un enjeu pour la musicienne, qui a plutôt l’habitude de se mettre elle-même en scène. «Il m’a fallu apprendre à ne pas me juger tout le temps. Faire confiance. Si Amélie pense qu’on peut passer à la scène suivante, faire le deuil du fait qu’on aurait pu jouer autrement. Etre au service du récit d’une autre, c’est bien tout le plaisir de l’exercice, et toute la difficulté. Ça fait du bien, cela dit, de s’abandonner au plaisir de la fiction d’une manière presque enfantine, de jouer à être Cécile. C’est étrange, parce que quand on rend le costume, on se dit: mais où est-elle maintenant, Cécile, elle va où? Elle m’a traversée, en tous cas.» Juliette Armanet sera bientôt dans la peau d’autres personnages: on la reverra au cinéma à l’automne prochain dans La Maison des femmes, de Mélisa Godet

Partir un jour

Film musical d’Amélie Bonnin. Avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rolin, Dominique Blanc. 1h38. Sortie le 21 mai.

La cote de Focus: 3,5/5

Cécile, grande gagnante de Top Chef, est sur le point d’ouvrir son restaurant à Paris. Alors, quand elle doit retourner dans le restoroute de ses parents pour convaincre son père de lever le pied, elle n’a pas vraiment le temps. A moins que ce ne soit justement le moment idéal pour appuyer sur pause. Le temps d’un refrain, par exemple. Au détour d’une conversation surgissent quelques notes, et Cécile, son père, sa mère ou son vieil amoureux entonnent une chanson populaire, de celles qui nous remettent le cœur à l’endroit et les idées en place. La musicienne française Juliette Armanet surprend par son sens aiguisé de la comédie comme du drame, et les questions soulevées par le film sont d’une grande justesse. Même si les séquences chantées ne sont pas toujours aussi fluides qu’on l’aurait rêvé.














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