
Je suis toujours là, primé aux Golden Globes et en lice pour les Oscars: une histoire vraie sur fond de dictature
Je suis toujours là, réalisé par Walter Salles, est inspiré de l’histoire vraie de la famille Paiva pendant la dictature au Brésil. A l’affiche également, All We Imagine as Light évoque les destins entremêlés de trois femmes. Cette fois, c’est en Inde que ça se passe.
Drame biographique de Walter Salles, avec Fernanda Torres, Selton Mello, Valentina Herszage. 2h16.
La cote de Focus Vif: 4/5
Artisan majeur du renouveau du cinéma brésilien à l’aube des années 2000 avec l’acclamé Central do Brasil (1998), Walter Salles n’avait rien tourné depuis 2012 et son adaptation du roman culte de Jack Kerouac (Sur la route, avec Garrett Hedlund, Sam Riley et Kristen Stewart).
Il faut dire qu’il a longtemps hésité, de peur notamment de trahir la réalité, avant de se décider à mettre en scène l’histoire vraie d’Eunice et Rubens Paiva, ainsi que de leurs cinq enfants, famille qu’il a lui-même fréquentée de près lorsqu’il était adolescent, à Rio, à la charnière des années 1960 et 1970. Soit précisément l’époque du drame appelé à changer à jamais leur destin. Nourri par cette proximité très personnelle, mais aussi par le livre autobiographique écrit par Marcelo Paiva, le seul fils d’Eunice et Rubens, Je suis toujours là s’ouvre à Rio en 1971, en pleine dictature militaire.
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La grande demeure des Paiva, située à deux pas de la plage, est un havre de paix et d’ouverture d’esprit, un lieu de rencontres et de débats passionnés où fusent les rires, les jeux et la musique la plus cool du moment. Jusqu’au jour où des hommes du régime viennent brutalement arrêter Rubens, ancien député opposé à la mise en place de la dictature, qui disparaît alors sans laisser de traces. Elle-même arrêtée, torturée puis relâchée, sa femme Eunice reste seule avec ses enfants et une soif rageuse de justice. Commence alors un combat acharné pour connaître la vérité…
Véritable phénomène au Brésil, où il a rassemblé plus de trois millions de spectateurs, Je suis toujours là truste légitimement les récompenses depuis plusieurs mois. Prix du meilleur scénario à la dernière Mostra de Venise, il a valu à Fernanda Torres un Golden Globe en janvier, et l’actrice fera tout prochainement une sérieuse prétendante à l’Oscar –face notamment à Demi Moore– pour son interprétation sans faille d’Eunice Paiva.
En adoptant le point de vue de cette dernière, le film de Walter Salles mêle subtilement mémoires individuelle (celle de cette femme et de cette famille brisée) et collective (celle du Brésil, pays où les récentes dérives néofascistes d’un Bolsonaro ont inévitablement rouvert les plaies laissées par la dictature). Récit jamais démonstratif d’une douloureuse reconstruction, Je suis toujours là vibre d’évidentes résonances actuelles.
Aussi à l’aise dans la mise en scène vivante et énergique qui irrigue le début du film que dans la peinture très digne d’une insouciance qui s’étiole pour virer au cauchemar en sourdine, Walter Salles réussit, bien plus qu’un énième portrait de mère courage, un très beau drame familial sur l’importance de la mémoire et de la transmission. Contre l’oubli et contre la peur, son cinéma, humain et politique, tient autant du nécessaire rappel des faits que de la salutaire mise en garde.
Nicolas Clément
All We Imagine as Light
Drame de Payal Kapadia, avec Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam. 1h55.
La cote de Focus Vif: 4/5
S’ouvrant magnifiquement sur une multiplicité de voix qui émergent de la grouillante agitation urbaine, le premier long métrage de fiction de la réalisatrice indienne Payal Kapadia entrelace les trajectoires de vie de trois femmes intranquilles travaillant dans un hôpital à Mumbai. L’une s’interdit toute histoire sentimentale même si elle est sans nouvelles de son mari depuis des années. L’autre fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Quant à la troisième, elle est bientôt contrainte de retourner s’installer dans son village natal. Son déménagement offre au trio l’occasion d’une échappée belle, hors du temps et du miroir aux alouettes de la ville… Déployant des trésors de délicatesse, Payal Kapadia réussit un lumineux drame sororal et émancipateur.
Nicolas Clément
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Queer
Drame de Luca Guadagnino, avec Daniel Craig, Drew Starkey, Jason Schwartzman. 2h17.
La cote de Focus Vif: 2,5/5
Lee, écrivain américain usé, alcoolique et drogué, traîne son costume de lin sous les tropiques, en quête de sensations fortes, jusqu’à ce qu’il croise le chemin d’Eugene, jeune homme insaisissable qui souffle le chaud et le froid sur son irrépressible désir. Après Challengers, Luca Guadagnino déploie à nouveau tout un arsenal d’effets pop dans cette adaptation de William S. Burroughs. La (tiède) surprise vient surtout du contre-emploi réservé à Daniel «James Bond» Craig, qui enfile comme un déguisement la panoplie du romancier, dans un Mexique ostensiblement de carton-pâte. Le tout reste aussi poli que policé, si l’on excepte peut-être une scène de transe sous ayahuasca assez stupéfiante, un drôle de parti pris quand on s’attaque à l’auteur du Festin nu, alors que les personnages s’interrogent sur ce que signifie être queer, mot valise qui inclut aussi bien la nature des désirs que l’étrangeté des êtres.
Aurore Engelen
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The Monkey
Comédie horrifique d’Oz Perkins, avec Theo James, Christian Convery, Tatiana Maslany. 1 h 38.
La cote de Focus Vif: 3,5/5
Fils aîné de l’acteur du Psychose d’Hitchcock (1960) Anthony Perkins, Oz Perkins avait marqué les esprits l’été dernier avec Longlegs, thriller horrifique d’une redoutable efficacité qui mettait en scène un Nicolas Cage quasiment méconnaissable. Il revient déjà aujourd’hui avec un nouveau long métrage, adapté cette fois d’une nouvelle publiée par Stephen King au début des années 1980.
Dans The Monkey, un vieux jouet maléfique prenant la forme d’un singe frappant un tambour provoque une série de morts aussi originales que violentes… Objet malin, voire même sophistiqué dans sa folie revendiquée, le film rappelle parfois la saga horrifique Destination finale, mais avec un humour et un savoir-faire beaucoup plus féroces et jouissifs. Cette étrange et hilarante fable dégénérée sur les liens du sang régale en effet avec une rare générosité les amateurs de gore qui tache. Même si son dernier segment, résolument plus «conventionnel», s’avère un chouïa moins réjouissant.
Nicolas Clément
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Merckx
Film documentaire de Christophe Hermans et Boris Tilquin. 1h23.
La cote de Focus Vif: 3,5/5
Merckx, biopic documentaire entièrement constitué d’images d’archives, ne se contente pas de dresser le portrait d’un homme hors norme. On y rencontre le jeune Eddy alors qu’il n’est pas encore champion, mais rêve déjà du Tour de France. L’étoffe d’un champion apparaît alors qu’il roule toujours chez les amateurs. Son succès attise les jalousies et invite les coups bas, mais Eddy rebondit, comme il le fera tout au long de sa carrière, malgré les accidents et les coups du sort.
Ce que raconte Merckx, c’est avant tout un incroyable récit de résilience, celui d’un homme qui ne lâche pas le combat, même quand il n’a plus rien à prouver, même quand il n’a plus pour adversaire que lui-même. Un récit aux contours délimités par une habile dramaturgie, qui multiplie les cliffhangers et nourrit le suspense. En filigrane, le film évoque aussi la trajectoire d’un héros réunissant une nation divisée, portant en lui toutes ses identités, notamment ses deux langues, et écrit en passant une petite histoire de la Belgique.
Aurore Engelen
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