Guide cinéma 2012: inventaire avant liquidation

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Ce vendredi, Focus sort son Guide cinéma annuel avec, au menu, 200 films-clé de l’année à la loupe. L’outil ultime pour faire son shopping DVD/télé/VOD!

L’année 2012 avait commencé sous haute tension sexuelle avec Shame, portrait glacé d’un homme bouchant les failles de son existence à coups de reins. Certains prennent de l’héroïne pour fuir les problèmes, les galères, les souvenirs urticants, le wonder boy new-yorkais trouvait dans le sexe compulsif, sauvage, mécanique, une forme d’apaisement, forcément éphémère, forcément incomplète. La métaphore servie en sous-main par Steve McQueen était claire comme du liquide lacrymal: ce personnage rongé jusqu’à la moelle sous sa façade lisse, c’est nous, c’est ce monde boulimique qui transforme tout ce qui passe, même les émotions, en banal produit de consommation au nom de la sacro-sainte jouissance, vidant au passage de sens son environnement et son existence. Comme si nier les soucis, les mettre sous le tapis de l’égoïsme allait les dissoudre. Une fuite en avant qui nous conduit droit dans le mur, avertit le film. La bombe à retardement des blessures mal cicatrisées, des responsabilités diluées, finira tôt ou tard par exploser. Il est minuit moins cinq. La rédemption est encore possible. Mais elle ne viendra pour Michael Fassbender qu’au bout d’un processus de désintoxication douloureux et violent. Le prix à payer pour nos errements…

Comme une manière de boucler la boucle, l’année s’est achevée sur un autre conte moral puissant, venu du nord celui-là. Le sexe et ses tabous y jouent aussi un rôle. Mais en sourdine. Le coup de massue des accusations de pédophilie qui s’abat sur les larges épaules de Mads Mikkelsen dans La chasse n’est que l’étincelle servant à allumer le feu destructeur de la rumeur. Aux aguets, les membres de la « communauté » saisissent ce prétexte pour lâcher les démons intérieurs. Comme des loups affamés qui auraient repéré un mouton blessé et égaré. Les instincts primaires, et comment la morale, l’éthique ou la compassion les musèlent ou non, sont d’ailleurs au centre des deux films. Si les emballages diffèrent, milieu urbain et solitude exacerbée pour l’un, ambiance champêtre et camaraderie faisandée pour l’autre, l’interrogation sur la barbarie, envers soi ou envers les autres, les relie imperceptiblement.

On retrouve cette scie sociologique dans d’autres réalisations marquantes des douze mois écoulés. Songeons au piège infernal qui se referme sur cette femme coincée dans un ménage à trois asphyxiant (A perdre la raison), à la situation de ce vieillard confronté à la maladie incurable et insoutenable de sa bien-aimée (Amour), et même au jusqu’au-boutisme méthodique de ce tueur à cheval sur les principes (Killer Joe). Autant d’essais en images sur les dérapages plus ou moins contrôlés d’une humanité à cran. Inlassable laboureur du champ affectif, le cinéma nous renvoie une fois encore en pleine figure la précarité de cette condition humaine si difficile à manoeuvrer. Et encore plus à garder au milieu de la route.

Météo maussade

L’apocalypse n’aura finalement pas eu lieu. En tout cas sur les écrans où on s’attendait à un déluge de films à la sauce Armageddon, calendrier Maya oblige. Si destructions il y eut, c’est surtout dans le magasin de porcelaine de l’intimité. Les relations humaines n’ont pas vraiment été à la fête. Leos Carax, dans un saisissant carrousel des petites horreurs, en dresse une forme de bilan caustique dans son ténébreux Holy Motors, de loin l’expérience la plus singulière et la plus défricheuse de la fournée.
Evidemment, tout ça n’est pas très jojo. On cherche en vain une éclaircie dans ce ciel plombé. Même dans le registre plus léger de la comédie, pas de trace cette année d’un rayon de soleil façon Intouchables ou The Artist. Non que l’insouciance ait été complètement balayée du paysage mais son revers n’était jamais loin. Comme dans Moonrise Kingdom, ou le délire visuel brillamment orchestré par Wes Anderson se double d’une réflexion amère sur les compromissions et tartufferies du monde des adultes.

Terminons quand même sur une note positive avec l’initiative couillue de cet inlassable observateur de l’adolescence qu’est Larry Clark. Pour contourner le banc de requins qui tient les rênes à Hollywood et barre la route des salles au menu fretin -sous-entendu: aux films d’auteur-, il a décidé de sortir sa dernière f(r)iction, Marfa Girl, sur… son site Internet, grillant ainsi la politesse à l’industrie. Monsieur provoc change donc les règles du jeu. Et sauve peut-être le cinoche de l’obésité. On se revoit dans un an pour un nouveau check-up!

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