Une Mostra de haut vol
All the Beauty and the Bloodshed, le documentaire engagé de Laura Poitras, remporte un Lion d’or amplement mérité.
Créée en 1932, la Mostra de Venise se devait de fêter son 90e anniversaire avec éclat. C’est chose faite puisque, point d’orgue d’une édition de haut vol, le jury présidé par Julianne Moore a délivré un palmarès sans fausse note. Un documentaire Lion d’or, c’est exceptionnel – on ne voit comme précédent que Sacro GRA, de Gianfranco Rosi, en 2013. Celui octroyé à All the Beauty and the Bloodshed, de Laura Poitras, qui succède au palmarès à deux autres réalisatrices,
Chloé Zhao pour Nomadland et Audrey Diwan pour L’événement, ne souffre cependant aucune discussion. La cinéaste américaine, oscarisée en 2015 pour Citizenfour, y trace le portrait de la photographe Nan Goldin, croisant brillamment ses parcours d’artiste et d’activiste, en retraçant son combat contre la famille Sackler et son empire pharmaceutique, responsable de la crise des opiacés aux Etats-Unis. Et de livrer un film aussi percutant qu’inspirant. Le prix spécial du jury octroyé à No Bears, de Jafar Panahi, n’est guère moins politique. Filmant deux histoires d’amour en miroir, le réalisateur iranien, réussit, dans un geste de cinéma souverain, à mettre en scène aussi bien sa condition de cinéaste empêché (il est actuellement privé de liberté) que la situation politique de son pays.
Le Grand Prix récompense pour sa part Saint Omer, de la Française Alice Diop. Une autre œuvre marquante, la réalisatrice s’inspirant de l’affaire Fabienne Kabou pour tenter, dans un drame fort et austère, de percer le mystère d’une mère infanticide. Luca Guadagnino repart quant à lui de Venise auréolé du prix de la mise en scène pour Bones and All, et ce n’est que justice tant le réalisateur transalpin réussit, pour son premier film américain, à transcender le film de genre, faisant planer des airs de Badlands sur cette cavale de jeunes amants animés par une passion dévorante – Timothée Chalamet et Taylor Russell, cette dernière étant par ailleurs couronnée meilleur espoir.
The Banshees of Inisherin est également récompensé de deux prix, celui du scénario pour son auteur-réalisateur, Martin McDonagh, et celui du meilleur acteur pour Colin Farrell, impeccable face au non moins excellent Brendan Gleeson, sous les traits d’un homme que la rupture soudaine d’une amitié laisse sans ressources. La copa Volpi de la meilleure actrice va, quant à elle, à Cate Blanchett (déjà sacrée il y a quinze ans pour I’m not There, de Todd Haynes) pour TAR, de Todd Field, et c’est tout sauf une surprise, tant la star australienne se montre impériale sous les traits de Lydia Tar, cheffe d’orchestre rattrapée par le soupçon d’abus de pouvoir. Soit la dernière note d’un palmarès à la hauteur d’un millésime d’exception, où l’on pointera aussi une absence, celle de Netflix, débarqué en force avec pas moins de quatre longs métrages en compétition – dont le magistral Blonde d’Andrew Dominik – pour s’en repartir les mains vides. En quoi l’on verra un autre signal fort du jury…
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