Les promesses de demain: retour sur le festival du cinéma américain de Deauville

Aftersun © MUBI
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Seuls des premiers films ont été primés lors de la 48e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Zoom sur les grandes promesses de demain.

Aftersun de Charlotte Wells

Couronné du Prix de la critique et du Grand Prix du jury, c’est indéniablement le grand vainqueur de cette édition. Déjà très remarqué à la Semaine de la Critique à Cannes en mai dernier, Aftersun prend la forme d’une chronique sensible et mélancolique reconsidérant, à 20 ans de distance, la relation un peu opaque qui unit une jeune fille à son père dépressif… Réalisatrice écossaise qui vit à New York, Charlotte Wells pratique un cinéma à l’essence impressionniste, riche en moments d’intimité complice, privilégiant la sensorialité, un côté éthéré, presque flottant, tout sauf scolaire. Une vraie petite douceur en apesanteur qui ondoie notamment au son du merveilleux Tender de Blur. Sortie sur les grands écrans belges dans les prochains mois.

Aftersun © MUBI

War Pony de Gina Gammel et Riley Keough

On pense à la beauté lumineuse et aride des premiers films de Chloé Zhao (Les chansons que mes frères m’ont apprises, The Rider) mais aussi au vertigineux American Honey d’Andrea Arnold face à ce drame choral situant son action dans une réserve amérindienne du Dakota du Sud. Résultat de sept ans de travail, cette plongée immersive dans l’Amérique des laissés-pour-compte ose et réussit tout, son caractère naturaliste ouvrant sur une dimension fantasmatique qui autorise de formidables envolées de pur cinéma. Superbement mis en scène, pas misérabiliste pour un sou, War Pony rayonne de toute l’authenticité de sa démarche. Déjà Caméra d’or à Cannes, le film repart de Deauville avec le Prix de la révélation et le Prix du jury. Sortie belge en 2023.

War Pony
War Pony © protagonist

Palm Trees and Power Lines de Jamie Dack

Réalisatrice d’origine new-yorkaise, Jamie Dack s’inspire de son propre court métrage de 2018 sur le malaise adolescent pour signer ce secouant récit d’apprentissage dans lequel une jeune provinciale oisive de 17 ans (Lily McInerny, fulgurante révélation du film) rencontre un séduisant et énigmatique homme de deux fois son âge. Prix du jury ex aequo, le film, déjà récompensé lors du festival de Sundance en janvier dernier, chronique la dérive amoureuse d’une adolescente sous emprise en allant au bout du bout de l’inconfort qu’il explore, le trouble qu’il ne manque pas de générer culminant dans une séquence absolument glaçante qui rejoue la violence des contes de Grimm à l’ombre des palmiers américains. À la lisière de l’insoutenable.

Palm Trees and Power Lines
Palm Trees and Power Lines © film constellation

Emily the Criminal de John Patton Ford

Les fans de la série Parks and Recreation savent quelle formidable actrice Aubrey Plaza peut être. Celle-ci produit cet impeccable petit film de genre, légitime Prix du public de cette 48e édition, dans lequel elle incarne une jeune femme croulant sous les dettes qui intègre un réseau d’arnaque à la carte de crédit. S’immergeant peu à peu dans le milieu criminel de Los Angeles, elle semble prendre goût aux brusques montées d’adrénaline et aux risques inconsidérés, qu’elle commence à multiplier dans un rapport presque addictif au danger… En excellent gestionnaire de la tension, le jeune réalisateur John Patton Ford réussit, sur fond de critique sociale, le portrait au scalpel d’une Amérique impitoyable engluée dans ses propres contradictions.

© universal pictures content

Watcher de Chloe Okuno

Seul film de notre sélection à ne pas avoir décroché une récompense à Deauville, le premier long métrage de Chloe Okuno aurait pourtant amplement mérité de figurer au palmarès. Thriller psychologique citant aussi bien le Rear Window d’Alfred Hitchcock que la trilogie des appartements maudits de Roman Polanski, Watcher accompagne une jeune Américaine déboussolée (Maika Monroe, révélée par l’excellent It Follows de David Robert Mitchell) à Bucarest, où elle a suivi son mari d’origine roumaine. Isolée, ne parlant pas la langue, elle se sent constamment observée et traquée alors qu’un tueur sévit dans le quartier. Réalité ou construction mentale? Le film joue habilement de cette indécision pour délivrer une profonde méditation sur la parole des femmes.

Watcher
Watcher © park circus

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