Emily Watson doublement Mère Supérieure dans Dune et Small Things Like These: “J’ai réagi violemment quand j’ai lu le scénario”

Emily Watson incarne une Soeur Mary glaçante et puissante dans Small Things like These. © Enda Bowe/Lionsgate

Double actu pour Emily Watson: Small Things Like These, pour lequel l’actrice a remporté un Ours d’argent à la dernière Berlinale qui sort la semaine prochaine. Et la prestigieuse série Dune: Prophecy, qui débarque sur HBO Max. Interview.

Emily Watson a enflammé Breaking the Waves de Lars von Trier, Gosford Park de Robert Altman, Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson et War Horse de Steven Spielberg. Elle a été nommée aux Oscars pour Hillary et Jackie, a joué aux côtés de Christian Bale dans Equilibrium, de Daniel Day-Lewis dans The Boxer et d’Anthony Hopkins dans Red Dragon. Cette année, Emiliy Watson, n’échappe pas aux feux de la rampe. Entre le lancement de la série HBO Dune: Prophecy et le tournage de Hamnet, un film consacré à l’épouse de William Shakespeare réalisé par Chloé Zhao, on retrouve Emily Watson dans le rôle d’une Mère Supérieure dirigeant son couvent d’une main de fer dans l’Irlande des années 80. Dans Small Things Like These, réalisé par le Flamand Tim Mielants, elle côtoie Cillian Murphy. Après le triomphe d’Oppenheimer, ce dernier s’y profile aussi comme producteur. Il y incarne Bill Furlong, un marchand de charbon confronté à une situation troublante, face à laquelle il doit décider de fermer les yeux, ou de réagir. Un partenaire de premier choix pour l’actrice britannique.

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Small Things Like These est un réquisitoire contre les abus commis dans les monastères irlandais de la Madeleine. Pouvez-vous expliquer ce qu’il s’y est passé?

Des jeunes femmes célibataires qui tombaient enceintes se retrouvaient enfermées dans ces monastères et forcées d’y travailler à la blanchisserie. Après l’accouchement, leurs bébés leur étaient souvent retirés pour être vendus à d’autres familles. Au vu et au su de l’État, l’Église catholique a causé d’immenses souffrances. Et ces traumatismes intergénérationnels n’appartiennent pas à un passé révolu: des histoires douloureuses continuent d’être révélées. En Irlande, il s’agit d’une question très importante et tout à fait d’actualité.

On pourrait croire qu’il s’agit de faits lointains, mais ils se sont déroulés dans les années 80…

Oui, c’est ahurissant. Les relations sexuelles hors mariage étaient encore considérées comme un grand péché. Les principales victimes étaient des jeunes femmes. Elles étaient cachées aux yeux la société. Leurs enfants leur ont été enlevés et leur volonté a été ignorée. J’ai réagi violemment quand j’ai lu le scénario.

Vous interprétez cette Mère Supérieure avec un calme glacial, sans le moindre haussement de voix. Ce qui la rend encore plus menaçante et puissante.

C’était un rôle assez troublant. Sœur Mary est la plus haut placée dans ce couvent. Elle détermine le destin de nombreuses femmes et est en mesure de détruire des vies. Quand on est si puissant, on n’a plus besoin d’élever la voix. Dans ces communautés villageoises irlandaises, la peur de Dieu était fortement enracinée.

Cillian Murphy joue le rôle de Bill Furlong, un marchand de charbon. © Enda Bowe/Lionsgate

Le film a été réalisé par le Belge Tim Mielants. Avez-vous regardé ses films précédents, De Patrick, Will et L’Ombre d’un mensonge (coréalisé avec Bouli Lanners), avant d’accepter le rôle?

Non, mais je les ai vu depuis. J’étais persuadé qu’il serait un bon réalisateur. Les présages étaient bons. Je n’ai pas passé beaucoup de jours sur le plateau, mais il y régnait une atmosphère particulière et délicate. Tim s’intéresse à la mécanique de la scène, mais aussi à tout ce qui se trouve sous la surface, à ce que mon personnage ne veut pas s’avouer ou refuse de voir.

Vous apparaissez de plus en plus souvent dans des séries. Y a-t-il une raison particulière à cela?

Après la naissance de mes enfants, j’ai préféré travailler dans des endroits peu éloignés de la maison. J’ai eu la chance que cette période coïncide avec l’essor des séries télévisées. J’ai eu l’occasion de participer à de grandes séries comme Chernobyl, Appropriate Adult avec Dominic West et The Third Day avec Jude Law. Et je viens de terminer la première saison de Dune: Prophecy.

Qui jouez-vous dans cette série qui fait beaucoup parler d’elle et qu’avez-vous pensé de cette expérience?

Je suis Valya Harkonnen. Elle dirige la communauté de femmes qui deviendra l’ordre du Bene Gesserit tel qu’on l’a vu dans les films de Denis Villeneuve. Pour résumer, le but de Valya Harkonnen est de contrôler l’univers. Elle est très ambitieuse, très badass. J’ai pris beaucoup de plaisir avec ce personnage.

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À 18 ans, auriez-vous imaginé jouer ce genre de rôle aujourd’hui?

Probablement pas. J’en parlais encore sur le tournage de Dune: Prophecy avec Olivia Williams, qui y joue ma sœur, Tula Harkonnen. Nous nous connaissons toutes les deux depuis la Royal Shakespeare Company, quand nous avions une vingtaine d’années. Nos carrières ont suivi une trajectoire similaire. Au milieu de la trentaine, nous étions convaincues que le déclin était inévitable, que nous devions nous contenter de rôles moins intéressants et juste être heureuses de pouvoir continuer à travailler. Après tout, c’est comme ça que ça s’est passé pour les actrices des générations précédentes. Et voilà que nous nous retrouvons ensemble à l’affiche d’une série de science-fiction de premier plan. Aujourd’hui, ça semble peut-être normal, et ça l’est sans doute, mais ça nous paraît quand même assez révolutionnaire.

Les personnages complexes et obstinés sont votre marque de fabrique. Cela remonte-t-il à vos débuts dans Breaking the Waves de Lars von Trier?

Je dois en tout cas beaucoup à ce film. Régulièrement, sur un tournage, il arrive qu’un réalisateur me confie à quel point Breaking the Waves a compté pour lui. Ca a été un moment clé de ma vie. C’était une immersion tellement bouleversante dans un personnage. Ca n’avait presque plus rien à voir avec la technicité. C’était très pur et évidemment aussi très extrême. J’ai pratiquement tout appris à ce moment-là. Tout ce que l’on peut donner à un personnage, jusqu’où on peut aller.

Cela vous surprend-il parfois de voir à quel point vous avez osé aller loin à l’époque?

Oui et non. Je pense qu’il faut être un peu idiot pour vouloir jouer la comédie (rires). Il faut parfois oser faire confiance à son instinct et faire certaines choses sans penser aux conséquences. Il faut se lancer et ne s’inquiéter qu’après coup de ce qui pourrait mal tourner.

Tim Mielants: “Emily Watson a joué un rôle important dans ma vie”


Tim Mielants lors du Festival du Film de Berlin.
© Getty Images

Cillian Murphy, la star de Peaky Blinders et de Oppenheimer, a fait appel à Tim Mielants pour réaliser Small Things Like These. « Nous voulions travailler ensemble depuis longtemps, explique le cinéaste belge. Après de longues promenades pendant la pandémie de Covid, nous avons décidé de lancer quelque chose de concret. À l’époque, il n’était pas encore question d’Oppenheimer. Par l’intermédiaire de la femme de Cillian, nous sommes tombés sur un livre de Claire Keegan: Small Things Like These. J’y ai retrouvé le processus de deuil qui est également présent dans De Patrick (son premier film de fiction, NDLR). On avait déjà franchi quelques étapes dans le processus quand Cillian m’a dit: « Tu sais quoi? Christopher Nolan vient deux jours à Dublin pour me parler d’un projet. » Il s’est avéré que c’était pour Oppenheimer. J’ai prédit que Cillian gagnerait un Oscar pour ce rôle. Sur le plateau d’Oppenheimer, il a côtoyé Matt Damon, qui a une société de production avec Ben Affleck. Matt a dit à Cillian qu’ils voulaient financer Small Things Like These. Après ça, les choses ont avancé rapidement. »

Small Things Like These, présenté en ouverture de la dernière Berlinale, explore ce que cela signifie, en période d’oppression, de rester silencieux et de se fondre dans la masse, ou au contraire de se faire entendre. « Nous montrons le pouvoir d’un individu à briser un silence collectif. Ca semble toucher une corde sensible. »

Cillian Murphy et Tim Mielants -qui ont entre-temps déjà tourné un autre film ensemble, Steve, une adaptation d’un livre de l’écrivain britannique Max Porter– ont longtemps cherché une actrice qui pouvait convenir pour le rôle de l’intimidante Mère Supérieure du couvent au cœur de l’intrigue, avant de tomber d’accord sur Emily Watson. « Emily Watson joue un rôle important dans ma vie, confie le réalisateur. Ma mère m’a emmené voir Breaking the Waves à un âge bien trop jeune et j’ai été sidéré. Ce film m’a ouvert les yeux sur ce que pouvait être le cinéma. Je l’ai aussi beaucoup aimée dans Punch-Drunk Love ,de Paul Thomas Anderson, un film que je compte parmi les meilleurs, et dans The Boxer, aux côtés de Daniel Day-Lewis. On ne peut pas viser plus haut en termes de talent. C’est aussi la raison pour laquelle je n’ai pas pensé à elle au départ. Je n’osais pas l’envisager. »

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