Critique | Cinéma

Emily, un film d’un romantisme enivrant

4 / 5
© National
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Titre - Emily

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Frances O'Connor

Casting - Emma Mackey, Fionn Whitehead, Oliver Jackson-Cohen

Sortie - En salles

Durée - 2h10

Critique - Jean-François Pluijgers

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Derrière Emily, le premier film réalisé par la comédienne australo-anglaise Frances O’Connor, se cache moins une biographie classique d’Emily Brontë qu’une évocation, sensuelle et sensorielle, du rapport au monde de la jeune femme qui devait, avec Les Hauts de Hurlevent, donner aux lettres du XIXe siècle un classique définitif, avant de disparaître, âgée de 30 ans à peine, emportée par la tuberculose. Pour modeler un projet qu’elle portait depuis une dizaine d’années, la cinéaste débutante a choisi de mêler des éléments objectifs de la vie de l’autrice à d’autres, imaginaires, ayant irrigué l’écriture de son unique roman. Pour s’attacher surtout à restituer la personnalité d’Emily Brontë plutôt qu’à illustrer la vérité historique, l’histoire de la famille Brontë étant, du reste, nimbée de mystère. Si les puristes trouveront vraisemblablement à redire à cette licence artistique, les cinéphiles y gagnent, pour leur part, un film d’un romantisme enivrant, vibrant à l’unisson du tempérament exalté et rebelle de son héroïne.

The strange one

Emily Brontë (Emma Mackey, révélée par la série Sex Education), les habitants de Haworth la désignent comme “the strange one”, la bizarre. Rapport sans doute à la nature farouche et indépendante de la jeune fille qui, si elle grandit dans le presbytère familial entourée de son père, un pasteur (Adrian Dunbar), de ses sœurs Charlotte (Alexandra Dowling) et Anne (Amelia Gething), et de son frère Branwell (Fionn Whitehead) à qui l’unissent des liens contrastés, semble n’aimer rien tant que communier avec les éléments dans les landes sauvages du Yorkshire. Un univers que va toutefois bouleverser l’arrivée de William Weightman (Oliver Jackson-Cohen), un jeune vicaire charismatique à qui, passée la raideur initiale, l’unira une relation passionnée.

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Frances O’Connor trouve dans cette romance (contestée par certains exégètes) la matière d’un film d’une rare intensité. Non contente d’explorer les ressorts de la passion amoureuse, la réalisatrice investit ceux de la création littéraire dans un geste artistique qu’elle infuse de poésie, de lyrisme et même d’une touche fantastique, transcendant allègrement les limites du biopic comme les contraintes de l’époque. En quoi elle rejoint sa fiévreuse héroïne, esprit libre -“il y a quelque chose de sacrilège en vous”, s’entendra-t-elle dire- doublée d’une féministe avant l’heure. S’il est sans doute tentant d’y voir un produit de l’ère post-#MeToo, Emily est aussi beaucoup plus que cela. Porté par la mise en scène envoûtante de Frances O’Connor, le film bénéficie plus encore de la composition habitée d’Emma Mackey, parfaite aussi bien quand elle s’abandonne à la mélancolie que quand elle cède à l’ardeur des sentiments. Si bien que ce magnifique portrait de femme se double de celui, incandescent, de son actrice, en quelque tour de magie comme l’autorise seul le cinéma.

De Frances O’Connor. Avec Emma Mackey, Oliver Jackson-Cohen, Fionn Whitehead. 2 h 10. Sortie: 12/04.

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