Doublage: l’envers des versions françaises

Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, les versions de films doublées sont hautement diffusées en Francophonie. Explication des étapes qui transforment la voix de Bruce Willis en celle de Patrick Poivey.

Francophonie rime avec anglophobie, voire presque avec fainéantise. En tout cas, contrairement à ce qui se fait dans le nord du pays, en Communauté Française, on n’aime pas les sous-titres. Depuis que le parlant existe, le doublage aussi. Alors que la qualité de ceux-ci allait en augmentant ces dernières années, il semble que la tendance actuelle, dans les sitcoms en tout cas, est à la régression. Il suffit de regarder sur Plug RTL ou sur MTV les versions françaises de How I met your mother ou de Big Bang Theory pour se rendre compte que les voix sont mal caricaturées à la façon 80’s. Il est donc ici question de d’une perte de l’identité et du jeu de l’acteur.

Pourtant, certains préfèrent que leurs oreilles soient bercées par la langue de Molière plutôt que celle de Shakespeare (ou de Cervantès, de Mishima, le reste du monde n’étant pas qu’anglophone). Il ne faut pas non plus dénigrer le travail des acteurs qui prêtent leur voix, leur talent à un autre et qui ne sont pourtant pas (re)connu. Il faut avouer que le francophone préfère la voix de Patrick Poivey à celle de Bruce Willis. Patrick Poi-qui? Il possède la voix la plus reconnaissable d’entre toutes et pourtant personne ne retient son nom. Patrick Poivey fait aussi de la pub et, quand on entend sa voix, tout le monde pense que c’est Bruce Willis qui double, au même titre qu’Emmanuel Curtil qui double Chandler ou Jim Carrey, Med Hondo, Eddie Murphy et Daniel Bereta, Schwarzenegger.

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Le doublage d’un film s’effectue en différentes étapes. À Enghien, dans la province du Hainaut, Dubfiction est une société de doublage et de postsynchronisation qui s’est occupé, entre autres, des films Amore et Winter’s bone. « Un doublage s’effectue en quatre étapes« , affirme Caroline Caudront, responsable de production.

D’abord, il faut recevoir le film des différents studios de cinéma. Ils envoient alors une version originale et une VI, Version Internationale, qui contient les bruitages et musiques, mais sans les voix. « Il faut effectuer une vérification de la VI, car il arrive que certaines parties du films soient sans aucun son ou qu’il y ait du piano mais qu’on ne l’entende pas. Il faut alors que l’on recréé l’ambiance. »

Vient alors le casting. Celui-ci s’effectue non pas en recherchant une voix qui s’approche de l’originale, mais d’une énergie qui convient à celle du rôle et du film. C’est ainsi que Patrick Poivey ne possède pas la même voix que Bruce Willis, qui est dans des tons beaucoup plus graves, mais bien une énergie qui convient au cynisme de John McClane.

Ensuite, le travail d’adaptation commence. Il s’agit de traduire le texte original, mais pas seulement. « Bien sûr il faut être le plus près possible des propos initiaux, mais il faut aussi être en synchronisation avec les ouvertures et les fermetures de la bouche. Puis, certaines choses ne sont pas forcément traduisibles: c’est un vrai travail créatif. »

Adaptation faite, l’acteur peut enfin entrer en studio pour enregistrer la voix. Pour faciliter le travail, le film est divisé en boucles, soit en découpage de plan et facilite le travail de l’ingénieur du son qui pourra, par exemple, changer l’ambiance intérieure en une ambiance extérieure. Les boucles permettent aussi une écoute de la version originale avant chaque essai du comédien. « Cela permet de voir si son travail correspond bien à ce que l’on attend de lui. Si la première version est ok, alors on passe à la boucle suivante, sinon on réécoute la première version et l’acteur réessaye. », explique Caroline Caudront. Certains modifient leur voix, surtout dans le cas des dessins animés, mais aussi parce qu’un acteur peut jouer deux ou trois petits rôles dans le même film. « À ce moment là, il vieillit ou rajeunit sa voix. Ceci n’a lieu que dans les rôles de second plan pour des phrases genre « Passe-moi le sel ». » Pour finir, dernière étape, l’ingénieur du son peut avancer, reculer, voire étirer la voix pour qu’elle colle le plus possible avec les mouvements de lèvres.

Thibault Richard (stg.)

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