Dans Caught Stealing, Darren Aronofsky envoie Austin Butler se faire rosser par des mafieux russes, des punks anglais, des gangsters hassidiques et même par Bad Bunny.
Que Darren Aronofsky ait réussi à enrôler Austin Butler, le nouveau tombeur d’Hollywood , Zoë Kravitz et la machine à tubes portoricaine Bad Bunny pour son nouveau film ne surprendra personne. Son cinéma, qui navigue entre le grotesque et le grandiose, a beau lever des armées de détracteurs acharnés, ses acteurs s’en tirent toujours avec les honneurs. Brendan Fraser a décroché un Oscar pour son interprétation d’un obèse suicidaire dans The Whale, Mickey Rourke a ressuscité grâce à The Wrestler et Natalie Portman n’a jamais été meilleure que dans Black Swan.
La vraie surprise, c’est plutôt que le réalisateur a troqué cette fois les grandes questions existentielles et les personnages tourmentés contre de l’humour, de l’action et des cinglés. Dans Caught Stealing, tout dérape quand un ex‑espoir du baseball (Austin Butler) se laisse convaincre par sa petite amie (Zoë Kravitz) de garder le chat d’un punk anglais. Soudain, la mafia russe le roue de coups et l’envoie à l’hôpital, Bad Bunny braque une arme sur ses bijoux de famille et une inspectrice de police (Regina King) le met en garde contre des parrains hassidiques qui évident les yeux à la cuillère. Le tout dans le New York des années 1990. Impossible de le nier: Darren Aronofsky a tourné son After Hours, la comédie noire de Martin Scorsese sortie en 1985.
Que s’est-il passé? Après The Whale, aviez‑vous envie de quelque chose de plus léger ou pensez‑vous que la période sombre que nous vivons appelle à la gaieté?
La deuxième option. Je me rends compte que, quand je choisis un film, ma préférence se porte maintenant vers des films de genre bien ficelés. Ça m’a inspiré à faire moi‑même quelque chose d’amusant. A prendre du plaisir pendant le tournage et à travailler avec des gens formidables. Si vous me posez la question, la meilleure chose que Hollywood puisse faire en ces temps sombres, c’est revenir à ses valeurs cardinales. Essayer de redevenir «les meilleurs entertainers du monde».
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Pourquoi avoir attendu si longtemps dans votre carrière?
Parce que vous trouvez que Black Swan n’était pas divertissant? The Whale n’était pas amusant?
Certes, mais cette fois vous assumez pleinement l’humour et l’action enjouée.
En même temps, certaines personnes trouvent que Caught Stealing est une expérience intense et très anxiogène. Mais je ne vous contredirai pas: la grande différence avec mes films précédents, c’est l’humour. Il était déjà dans le livre de Charlie Huston. Le casting en avait envie aussi. Et je veux croire qu’un film sur le New York des années 1990 apporte d’emblée beaucoup de joie festive.
Ce n’est qu’un détail, mais pourquoi est‑ce le commerce d’ecstasy belge qui mène au magot tant convoité dans le film?
Parce que c’est à la fois drôle et vrai. Dans les années 1990, New York a été inondée d’ecstasy venue de Belgique. Apparemment, vous étiez doués pour ça. Il est même exact que toutes ces différentes communautés étaient impliquées dans le commerce d’ecstasy belge. On a fait nos recherches.
Vous voyez‑vous refaire des comédies d’action? Vous n’avez pas l’habitude de vous répéter.
Aucune idée de ce que sera exactement le prochain film. Je pourrais rester dans le même genre, mais alors il faudra que ce soit quelque chose de totalement différent. Un film, ça prend facilement des années; je ne peux pas perdre mon intérêt. Et puis il faut continuer à stimuler le cerveau si on ne veut pas vieillir trop vite. C’est pour ça que je cherche toujours un projet qui m’intimide, parce qu’il est différent de tout ce qui a précédé.
Qu’est‑ce qui vous a le plus fait peur avec Caught Stealing?
Je voulais en faire une lettre d’amour à New York. Donc je tenais à montrer plein de petits recoins de la ville rarement filmés et inattendus. Mais tourner en décors naturels, c’est du stress. Vous risquez de ne pas finir à temps ce que vous devez tourner ce jour‑là à cet endroit, et c’est très problématique. Du coup, il y a un stress permanent autour de la lumière du jour. Si le soleil se couche, c’est fini. S’il passe derrière les nuages, c’est la misère. On vit dans la crainte du soleil, c’est affreux! (rires)
Ce qui m’attire le plus dans le cinéma, c’est la collaboration avec les acteurs.
Quels souvenirs gardez‑vous du New York des années 1990?
Le film se déroule en septembre 1998. En juin 1998, Pi est sorti (NDLR: son premier film, tourné pour une bouchée de pain, devenu culte). Nous avions alors placardé et tagué New York City d’autocollants Pi et de graffitis. Le chef décorateur de Caught Stealing n’a pas pu s’empêcher d’en recoller ici et là. 1998 m’a porté chance. Pi a été un succès et je suis certain qu’à l’époque je rêvais déjà de comment j’allais faire Requiem for a Dream. Tout se mettait en place pour moi.
The Wrestler, c’est Mickey Rourke; Black Swan, c’est Natalie Portman; The Whale, c’est Brendan Fraser. Vous avez le chic pour choisir la bonne personne pour le premier rôle. Pourquoi Austin Butler était‑il votre homme cette fois?
Ce qui m’attire le plus dans le cinéma, c’est la collaboration avec les acteurs. Ce sont eux la raison pour laquelle je saute du lit le matin et pars travailler en sifflotant. J’aime décortiquer le texte ensemble et voir comment ils lui insufflent la vie. C’est un plaisir qui m’accompagne depuis toujours. Donc oui, je prends très au sérieux la quête de l’acteur idéal. Pour The Whale, il m’a fallu dix ans. Le scénario était bouclé; je ne parvenais simplement pas à décider qui je devais choisir. Une fois que j’ai pensé à Brendan Fraser, tout est allé vite. Sans le bon acteur, je n’aurais jamais pu faire Caught Stealing non plus. Austin Butler me semblait un partenaire idéal, il a de l’allure et, quand je l’ai rencontré, il s’est révélé être un homme incroyablement doux et sympathique. Le talent déborde chez lui et il est en plein essor. Très intéressant!
Vous vous moquez de tout le monde: les brutes de la mafia russe, des patrons de night‑clubs portoricains, les gangsters ultra‑orthodoxes… Vous n’avez pas peur de vous prendre les pieds dans ce jeu avec les stéréotypes?
Je ne trouve pas que ce sont de vrais stéréotypes, mais des interprétations originales. Les acteurs campent leurs personnages d’une manière inattendue. Pour moi, un des trucs géniaux de New York, c’est que c’est un incroyable melting-pot. Tout le monde a une grand‑mère d’un autre pays. C’est ce qui fait New York: une formidable mosaïque. Des gens avec toutes ces langues, ces cultures, ces habitudes, cette musique… y vivent ensemble bon gré mal gré et deviennent des New‑Yorkais.
Caught Stealing (Pris au piège)
Thriller de Darren Aronofsky. Avec Austin Butler, Zoë Kravitz, Matt Smith. 1h47.
La cote de Focus: 2,5/5
Qu’on aime ou non Darren Aronofsky, il faut saluer son aptitude à constamment surprendre et changer de style. Ainsi, après avoir acquis toutes les faveurs de l’Académie grâce à The Whale, voilà qu’il emprunte un virage à 180 degrés avec Caught Stealing, petit crime-thriller sans prétention porté par la jeune génération (Austin Butler et Zoë Kravitz). Un film qui sent bon les années 1980-1990, avec son intrigue à la After Hours où un jeune quidam se retrouve embarqué malgré lui dans une affaire tortueuse à base de mafia russe, de flics corrompus et de battes de baseball. Atmosphère vintage et poisseuse, bande-son punk, casting cinégénique: dans un premier temps, Caught Stealing semble avoir toutes les cartes en main pour divertir. Malheureusement, la tendance du scénario à toujours se reposer sur l’idiotie –aucun personnage ne prend de décisions cohérentes– escamote largement le charme du film, qui se révèle finalement assez convenu et laborieux.
J.D.P.