Comment la diaspora coréenne conquiert le cinéma US

Dans Minari, de Lee Isaac Chung, une famille coréenne débarque en Arkansas. © Courtesy of A24
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Parallèlement aux succès de Park Chan-wook ou Bong Joon-ho, les films de cinéastes issus de la diaspora coréenne se font plus nombreux. Une tendance dont le délicat Past Lives, de la réalisatrice canado-coréenne Celine Song, est le dernier exemple.

Cela n’a rien d’un scoop: la culture coréenne a le vent en poupe, un postulat vérifié de la K-Pop aux séries Squid Game ou Pachinko, cette dernière elle-même inspirée du succès d’édition éponyme de Min Jin Lee. Et un phénomène auquel participe, bien évidemment, le cinéma “made in Seoul”, les coups d’éclat de Park Chan-wook, Hong Sang-soo ou autre Lee Chang-dong illuminant régulièrement les festivals du monde entier. À quoi Bong Joon-ho est venu apporter un surcroît de rayonnement avec Parasite, Palme d’or à Cannes en 2019 avant de remporter l’Oscar du meilleur film l’année suivante, publics cinéphile et mainstream se rejoignant pour plébisciter une œuvre à l’impact planétaire.

À la première personne

À l’instar du chef-d’œuvre de Bong Joon-ho, qui brosse un tableau sans complaisance des disparités sociales au Pays du Matin calme, la plupart des longs métrages coréens sont inscrits dans la réalité locale, des brûlots politiques de Im Sang-soo aux films de genre de Na Hong-jin. S’y est toutefois greffée, depuis quelques années, une production toujours plus conséquente de cinéastes issus de la diaspora coréenne en Amérique du Nord, et dont Past Lives, le petit bijou de Celine Song, est la dernière expression. Une tendance qui, si elle ne se reflète encore que fort timidement sur nos écrans (constat valant d’ailleurs pour le cinéma asiatique dans son ensemble, qui reste l’un des parents pauvres de la distribution sous nos latitudes), s’est avérée suffisamment lourde pour que des festivals aussi prestigieux que Toronto ou Busan lui consacrent, dernièrement, des sections spécifiques: tandis que la manifestation canadienne dédiait ses Perspectives à un panel de ses représentants, son homologue asiatique proposait une série spéciale de projections d’œuvres issues de la diaspora. Non sans présenter, en ouverture, Because I Hate Korea, de Jang Kun-jae, l’histoire d’une jeune Coréenne quittant tout pour émigrer en Nouvelle-Zélande.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

S’il fallait désigner le film emblématique de cette vague, on opterait sans doute, en raison de son retentissement, pour le magnifique Minari, réalisé en 2020 par Lee Isaac Chung, cinéaste américain indépendant originaire de Corée. S’inspirant de ses propres souvenirs d’enfance, le réalisateur place l’expérience de la diaspora au cœur de son propos, retraçant le périple d’une famille coréenne -les parents et leurs deux jeunes enfants- débarquant un jour des années 80 au beau milieu du Midwest et de l’Arkansas dans l’espoir d’une vie meilleure -vendre leurs légumes du cru aux quelque 30 000 Coréens prenant chaque année le chemin d’un exil américain. Et de s’attacher à leur mantra -“on devait prendre un nouveau départ, c’est ce qu’on fait”-, alors que leur quotidien n’a rien d’une sinécure, de la caravane sur parpaings leur tenant lieu de logis aux tornades s’abattant sur la région, et menaçant d’emporter récoltes et bicoque. Sans parler d’un job peu gratifiant de sexeurs de poussins, d’une intégration difficile, et de leurs disputes incessantes, le minari, une herbe coréenne pouvant pousser partout, servant de métaphore au destin de cette famille d’immigrants poursuivant vaille que vaille son rêve américain. Le film glanera cinq nominations aux Oscars, Young Yuh-jung remportant celui de la meilleure actrice dans un second rôle, récoltant aussi les fruits de la volonté de diversité désormais affichée par Hollywood (et d’un virage asiatique acté, il y a quelques mois, par le triomphe à ces mêmes Oscars de Everything, Everywhere All at Once).

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Connexions invisibles

Deux ans plus tard, c’est au tour de l’acteur-réalisateur Anthony Shim, né à Séoul et vivant au Canada depuis l’enfance, de placer la diaspora au cœur de son propos dans Riceboy Sleeps, s’immisçant dans le quotidien d’une mère célibataire d’origine coréenne et de son fils adolescent, immigrants dans la banlieue canadienne au cours des années 90. Là encore, un récit d’inspiration largement autobiographique, avec sa part de frustration et de colère découlant d’un apprentissage de l’existence qui se fait dans la douleur, la quête identitaire et l’espoir d’une vie meilleure en toile de fond. Soit deux films cousins, où l’expérience du déracinement se double d’un récit d’apprentissage, à hauteur d’enfant pour le premier, d’adolescent pour le second. Il y en aura d’autres, dans une palette de genres différents, comme Blue Bayou (2021), de l’acteur (dans la saga Twilight notamment) et réalisateur Justin Chon, qui s’y penche sur un sujet de société, s’intéressant au sort d’enfants sud-coréens adoptés aux États-Unis mais risquant d’en être expulsés à l’âge adulte. Et cela, à travers le destin d’une famille recomposée de Louisiane, l’expérience de la diaspora trouvant, pour le coup, une expression ouvertement mélodramatique.

Le terreau est, il est vrai, particulièrement fertile, autorisant de multiples variations. Ainsi, aujourd’hui, du Past Lives de Celine Song, un autre film d’essence autobiographique, mais se déployant sur un terrain tout différent. Si Nos vies d’avant (en VF) charrie forcément un doux parfum de mélancolie, la réalisatrice canado-coréenne (elle a quitté son pays d’origine à 12 ans) et new-yorkaise d’adoption s’y penche, à travers un triangle inédit, sur les connexions invisibles qui subsistent entre les êtres, sans considération pour le temps, ni la distance pouvant les séparer ponctuellement. Le déracinement et le sentiment amoureux y dialoguent sous le signe du Inyeon, ce fil du destin sur lequel on n’a pas nécessairement de prise; et le film, d’un suprême romantisme, est tissé de la matière dont l’on fait les rêves, coréens et autres…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content