Blackbird Blackbird Blackberry: histoire d’un éveil à la sensualité et à l’amour

Remarqué à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes en mai dernier avant de se signaler au festival de Gand, cet étonnant long métrage géorgien fait le portrait singulier d’Etero, une quadragénaire solitaire et indépendante qui chérit sa liberté et tient une épicerie dans un petit village où elle doit faire face aux commérages des femmes de sa communauté. Un jour, après avoir frôlé la mort, elle découvre, sur le tard donc, l’amour et la sexualité. Le mariage et les conventions ne l’intéressent pas mais elle développe un rapport nouveau à son corps qui l’amène à se poser des questions décisives pour son avenir… Adapté d’un roman écrit à la première personne par Tamta Melashvili, écrivaine géorgienne et militante féministe, Blackbird Blackbird Blackberry s’attache à des visages et des corps de femmes qui ne correspondent pas aux canons traditionnels et aux assignations à la beauté lissée de la société.

Si le film martèle sans doute parfois un peu trop frontalement certains de ses motifs engagés, il le fait aussi, et surtout, avec beaucoup d’esprit, d’étrangeté et de fantaisie. En résulte une poésie mélancolique et lunaire qui donne à cette frémissante histoire introspective des allures de conte insolite ouvrant sur un délicieux vertige existentiel. Se réclamant notamment du cinéma de Kelly Reichardt, la réalisatrice Elene Naveriani, dont c’est là le troisième long métrage, trouve la bonne distance, assortie d’un vrai sens du détail signifiant, pour filmer l’éveil de son héroïne à la sensualité mais aussi à une authentique conscience politique.