
Better Man, le biopic de Robbie Williams: «Chercher l’attention, c’est ce que je fais à plein temps, et ce film est une façon grandiose d’en avoir»
Dans le biopic musical Better Man, Robbie Williams fait le singe, littéralement: la star britannique est interprétée par un chimpanzé en images de synthèse. Un pari risqué, mais ça marche!
Robbie Williams n’est sans doute pas la seule star de la pop music à s’être sentie, pendant ses années de gloire remplies de fans hurlants, de montagnes de cocaïne et d’autres excès, comme un petit singe sautillant enfermé dans une cage dorée. Mais l’ancien bad boy de Take That est le premier à donner vie à cette idée dans son biopic Better Man. Le réalisateur Michael Gracey a fait le choix audacieux de ne pas faire interpréter Williams par un acteur en chair et en os, mais par un chimpanzé animé numériquement. Et ce qui est encore plus bizarre, c’est que ça fonctionne.
Avec un mélange d’autodérision, d’émotion brute et de spectacle musical flamboyant, Better Man parvient sans peine à se démarquer dans un paysage saturé des biopics mous du genou de stars de la musique. Le film commence par les années turbulentes de Take That, où Williams se révèle être le rebelle et le farceur du groupe, apparaissant presque aussi souvent dans les tabloïds que sur scène. On découvre ensuite la manière dont il trouve vraiment sa voix en solo, pour finir par ses trois jours de concert à Knebworth, en 2003, où il s’est produit devant 375.000 fans. C’est l’histoire tant de fois racontée d’un artiste qui se retrouve trop tôt et trop souvent sous les projecteurs, qui dérape et s’éloigne de son entourage, avant de retrouver la voie de la rédemption et du succès.
L’histoire en soi n’est donc pas très originale, mais grâce à l’ingénieuse animation par ordinateur –le singe en CGI est une création du fameux studio Weta, créé par Peter Jackson– et à l’audace visuelle de Michael Gracey, le récit de l’ascension, de la chute et de la résurrection de Robbie Williams prend un coup de frais et un côté anarchique. Imaginez deux secondes un chimpanzé qui sniffe de la cocaïne avec les frères Gallagher d’Oasis ou chante She’s the One à bord d’un yacht pour Nicole Appleton. On y croise son père, un artiste de cabaret de seconde zone qui abandonne sa famille alors que Robbie a 3 ans, et les autres membres de Take That. Robbie Williams s’y montre vulnérable, attachant et inimitable. Et très poilu.
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Le film marque un sommet dans la carrière de Michael Gracey après le lisse The Greatest Showman (2017), la biographie de P. T. Barnum avec Hugh Jackman dans le rôle du légendaire baron du cirque. Alors que le chanteur a franchi le cap de la cinquantaine, on peut aussi parler d’une véritable «robbiessance». Plus de douze ans après son dernier tube –Candy, écrit avec Gary Barlow, son complice de Take That– l’ex-idole des ados semble à nouveau omniprésente.
L’année dernière, il y avait déjà eu le documentaire très médiatisé sur Netflix. Les fans ont pu se régaler de 4 heures d’archives qui n’éludaient aucun tabou, dont la longue addiction de Williams à la drogue et ses troubles d’anxiété sociale. Aujourd’hui, il y a ce biopic. Et comme si cela ne suffisait pas, le chanteur sera en tête d’affiche du TW Classic en juin. Où des dizaines de milliers de fans pourront chanter en chœur Angels, Let Me Entertain You, Millennium, Rock DJ.
Le petit singe est peut-être plus âgé et plus sage, le public semble apprécier toujours autant ses pitreries. Cela n’étonne guère l’infatigable entertainer originaire de Stoke-on-Trent. «J’ai toujours dû compter davantage sur ma personnalité que sur mon talent», déclare-t-il.
Les premiers commentaires sur Better Man sont élogieux. Vous attendiez-vous à ce succès?
Après avoir vu le film, oui. Je l’ai trouvé formidable. Encore meilleur que ce que j’espérais. Mais après je me suis demandé si ce n’était pas peut-être le narcissique en moi qui parlait. Heureusement, beaucoup de gens ont réagi positivement, ce qui est évidemment agréable. Mais, on verra quand les gens iront vraiment voir le film en salle. C’est le prochain défi.
Le prendriez-vous personnellement si le film, qui a coûté 110 millions de dollars, n’était pas un succès?
Oui, trop personnellement même. Mon ego est très fragile. Il l’a toujours été.
Comment l’expliquez-vous?
L’ADN, trop de choses trop vite, le TDAH, le narcissisme, et peut-être aussi l’autisme. En plus de cela, je suis hypersensible. (sourire) Je sais, je donne une réponse clinique et impersonnelle, mais c’est bien le diagnostic de ce qui m’a toujours causé problème.
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Le titre du film laisse entendre que vous vous considérez désormais comme un «meilleur homme». Est-ce vrai?
C’est là que réside l’ironie. Le film parle de mes luttes, de ma douleur, de mon ego. Donc le titre Better Man est plus ironique qu’un fait avéré. Je ne me sens certainement pas toujours meilleur. Si je suis honnête, je suis souvent encore ce même garçon incertain de Stoke, toujours en quête de validation, sans savoir quoi faire de la célébrité et des attentes des autres. C’est un processus, une lutte constante. Mais à 50 ans, j’ai appris que l’on n’a pas besoin d’être parfait tout le temps. Ce qui compte, c’est la manière dont on gère ses imperfections, et c’est ce que j’essaie de montrer dans le film. Peut-être est-ce ainsi que je suis devenu un meilleur homme: en réalisant enfin que je ne peux pas tout contrôler. Avant chaque concert, je prie encore Elvis et je lui demande la force d’accepter ce que je ne peux pas maîtriser. Il y a une nette différence entre celui que j’étais et celui que je suis aujourd’hui. Je prends plaisir à des choses qui ne me procuraient aucune joie avant, et je crée moins de chaos, pour moi-même et pour les personnes que j’aime.
Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes dit: «Là, ça ne peut vraiment plus continuer comme ça, Rob»?
Ces cinq dernières années, quelque chose a changé. J’ai lutté pendant des décennies contre des problèmes de santé mentale. J’avais des crises de panique avant de monter sur scène. Ou je me sentais anxieux en société. Mais il semble que mon cerveau a commencé à fonctionner différemment. Pour la première fois, j’ai l’impression que demain peut être aussi bien qu’aujourd’hui. Et aujourd’hui, c’était mieux que juste «correct».
«Avant chaque concert, je prie encore Elvis et je lui demande la force d’accepter ce que je ne peux pas maîtriser.»
Robbie Williams
Vous considérez-vous comme un exemple pour les personnes qui luttent avec des problèmes similaires?
Je pense que je suis devenu, malgré moi, un ambassadeur pour les personnes en difficulté. Un ambassadeur un peu «déglingué», certes. Mais ça ne me dérange pas. J’ai maintenant l’expérience et le recul nécessaires pour en parler, et cela ne m’aide pas seulement moi, mais, je l’espère, aussi les autres.
Est-ce que le tournage de ce film et de la série documentaire en quatre parties sortie l’année dernière sur Netflix, vous ont également aidé?
Bien sûr. Il faut regarder sa vie «à travers une lentille», au propre comme au figuré. Je le savais déjà quand j’ai sorti mon premier album (NDLR: Life Thru a Lens, sorti en 1997). Ces films sont des outils pour la carrière, mais un des effets secondaires, c’est que les gens comprennent mieux mon histoire. Et ça, c’est fantastique, surtout pour quelqu’un comme moi, qui veut tellement être compris.
Comment l’idée de ce biopic est-elle née?
C’était entièrement l’initiative de Michael Gracey. Il a vu le singe en moi. Il n’a même pas eu besoin de me convaincre. Après tout, je suis un pro de la recherche d’attention. Chercher l’attention, c’est ce que je fais à plein temps, et ce film est une façon grandiose d’en avoir.
Le choix d’un singe comme personnage principal est pour le moins particulier. Auriez-vous accepté qu’un acteur joue votre rôle?A
Bien sûr. Mais l’idée de Michael m’a beaucoup plu en raison de son approche audacieuse et excentrique. C’est complètement dingue, mais ça fonctionne. Merci aussi à Jonno Davies (NDLR: le jeune acteur qui a servi de modèle pour les mouvements du singe grâce à la motion capture). Soyons honnêtes: ces dernières années, il y a eu pas mal de biopics de musiciens qui étaient assez mauvais. Je ne donnerai pas de noms, mais ces artistes méritaient un meilleur film. Je ne pouvais pas me permettre ça (sourire).
Vous aviez 16 ans lorsque vous êtes devenu une star avec Take That, au début des années 1990. Quels sont vos sentiments par rapport à cette période mouvementée?
Je suis reconnaissant pour les opportunités que j’ai eues. J’ai toujours voulu être célèbre et divertir les gens. C’était à moi de faire quelque chose de ces opportunités et de trouver mon chemin dans un monde qui me disait toutes sortes de choses sur qui j’étais. Est-ce que je recommanderais ça à mes enfants? Non. Mais eux, ils ont le choix, ce que je n’avais pas à l’époque. Oui, j’étais jeune et non préparé quand Take That a explosé, et je ne recommanderais ni la célébrité ni la drogue à un adode 16 ans. Mais on ne peut pas savoir ce qu’on ne sait pas. Je n’en veux à personne. Ni à mes parents. Ni à mon manager.
Pas même à Gary Barlow? A l’époque de Take That, votre relation était compliquée et il vous a fait exclure du groupe en 1995. «Ma carrière solo est ma revanche sur Gary», avez-vous déclaré. Comment ça se passe aujourd’hui?
Oh, nous sommes de bons amis maintenant. Mais ça a effectivement pris du temps. Gary et moi avons tous les deux traversé nos propres épreuves. En tant que principal auteur-compositeur du groupe, il voulait toujours avoir le contrôle, et moi, je voulais toujours toute l’attention. Cela causait évidemment des frictions. Mais au final, nous nous sommes retrouvés. Gaz est un auteur-compositeur incroyable. Je l’ai toujours dit et je le dirai toujours.
Dans Better Man, la voix du personnage est la vôtre. Le métier d’acteur, ça vous tente?
Non, jouer la comédie, c’est tellement ennuyeux. La majeure partie du travail, c’est de l’administration: entrer dans une pièce, prendre un verre d’eau, refaire la scène sous un autre angle, encore et encore… Mon job de chanteur est tellement plus amusant. D’une certaine manière, en tant qu’artiste pop, on joue aussi un rôle. On chante, on danse, on interprètes un texte. Mais la différence, c’est que j’ai un contact direct avec le public. C’est ça que j’aime. C’est pour ça que je le fais.
Dans le documentaire Netflix, vous dites à un moment que vous avez toujours voulu écrire une chanson grande et grave comme Karma Police de Radiohead, mais que vous n’avez jamais dépassé Karma Chameleon de Culture Club. Est-ce source de frustration ou d’amertume?
(rires) Plus maintenant. Avant, je voulais non seulement être populaire, mais aussi être pris au sérieux artistiquement. Mais ce n’est plus ma grande ambition. Quand on est jeune, on veut des choses différentes de ce qu’on veut en vieillissant. On ne peut jamais plaire à tout le monde. Je n’ai plus absolument besoin d’écrire un album de rock classique, je veux juste faire de la bonne musique pop. Parfois, j’y arrive –du moins, je l’espère– et ça me suffit. D’ailleurs, Karma Chameleon est une chanson fantastique. J’aurais adoré l’écrire moi-même.
Vous ne voulez donc plus qu’on vous appelle Robert au lieu de Robbie, comme vous l’avez avoué dans le documentaire?
Robbie. Robert. Choisissez. Ça m’est égal. Ça ne me dérange plus. Avant, je détestais que les gens m’appellent Robbie. Ça sonnait bien trop «cute». Et je ne voulais pas être « fucking cute« . Mais Robbie Williams, c’est un bien meilleur nom pour une rock star que Robert Williams. Non?
«Avant, je détestais que les gens m’appellent Robbie. Ça sonnait bien trop «cute». Et je ne voulais pas être “fucking cute”.»
Robbie Williams
Certainement. Comment les autres protagonistes du biopic ont-ils réagi jusqu’à présent?
Seuls Nicole Appleton (NDLR: son ancienne fiancée et chanteuse du groupe britannique All Saints) et Mark Owen (ancien membre de Take That) ont vu le film. Ils l’ont trouvé bien. Honnête. Emouvant. Mais j’ai peur de certaines réactions. Surtout de celle de mon père. Je me rends compte qu’il n’est pas dépeint de manière très aimable. Pas de façon cruelle, peut-être, mais pas vraiment gentille non plus. Nous verrons ce que cela donnera.
Gary Barlow n’est pas non plus présenté sous un jour flatteur. Il paraît pourtant que vous avez fait modifier un peu le scénario quand il l’a lu et a dit: «J’ai l’air encore plus maléfique que Dark Vador dans Star Wars.»
(sourire) Oh, Gaz n’a aucune raison de s’inquiéter. Il ne verra pas le film de toutes façons. Sauf peut-être s’il est la dernière personne sur Terre et que le film est disponible en streaming. Gratuitement. (rires)
BIOPIC MUSICAL
Better Man
De Michael Gracey. Avec Robbie Williams, Steve Pemberton, Kate Mulvany. 2 h 11. Sortie: 22/01.
3/5
Réalisateur de The Greatest Showman (2017) avec Hugh Jackman et Zendaya, l’Australien Michael Gracey est à la barre de ce biopic musical où Robbie Williams, l’enfant terrible de la pop anglaise, est représenté sous les traits d’un… chimpanzé en effets spéciaux numériques. Les singeries les plus saillantes de son improbable success story, l’ayant conduit du prolétariat laborieux à la gloire planétaire, alimentent un film qui multiplie les morceaux de bravoure chorégraphiés avec une bouillonnante énergie. Relativement efficace, et parfois amusant, Better Man rappelle dans ses meilleurs moments le cinéma de Baz Luhrmann, Moulin Rouge (2001) en tête. Un peu moins fou et original qu’il ne voudrait bien l’être, il ne nous épargne hélas pas, à l’arrivée, l’éternel couplet rédempteur aux accents sirupeux.
N.C.
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