Au Qatar, 60% des réalisateurs sont des femmes

Sur le tapis rouge de la 6e édition du festival du film de Ajyal. © AFP/Anne Levasseur
FocusVif.be Rédaction en ligne

Le monde du cinéma au Qatar s’est retrouvé cette semaine à Doha pour la 6e édition du festival du film de Ajyal, un évènement marqué cette année par la présence en force des femmes réalisatrices.

« Je pense que tout le monde a été bluffé » par le fait que « nous avons plus de femmes faisant des films ici à Doha que d’hommes », affirme Fatma al-Remaihi, la directrice du festival et de l’Institut du film de Doha.

Aisha al-Shammakh, Nouf al-Sulaiti et l’étoile montante du cinéma qatari Amal al-Muftah étaient au rendez-vous avec des films sur divers sujets, allant de la génération des milléniums au Qatar aux relations père-fille.

Le nombre de participantes à ce festival de six jours, qui s’achève lundi et présente aussi des films étrangers, semble en adéquation avec des chiffres donnés en 2016 par la Northwestern University de Doha. Cette étude chiffre à 60% la proportion de femmes parmi les cinéastes au Qatar, où l’industrie cinématographique est relativement récente. Un chiffre qui tourne autour de 25% dans les autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

« Tribune »

L’importante présence des femmes dans la production cinématographie a influé sur la nature des sujets traités, comme dans le court métrage de Nouf al-Sulaiti, Gubgub (« Le crabe »). Racontant une pêche aux crabes, le film montre la détermination d’une fillette qui veut prouver qu’elle peut être aussi bonne que son frère plus âgé pour trouver les crustacés. « Je pense que cela nous offre une tribune », confie Nouf al-Sulaiti. « Je ne crois pas qu’on avait cette tribune ou opportunité auparavant », ajoute-t-elle.

« Je veux que la fillette croie qu’elle peut arriver à faire ce qu’elle veut. Je veux que les petites filles voient ça », indique cette femme de 25 ans. « Par le passé, on avait une éducation, on se mariait et on restait à la maison avec notre mari (…) Je pense que, peu à peu, les filles (qataries) voient qu’on peut arriver à faire ce que font nos frères », dit-elle.

L’émergence des femmes dans le cinéma qatari survient à un moment où l’émirat conservateur cherche à se présenter comme une puissance progressiste dans le Golfe. Et alors qu’il demeure politiquement isolé par les pays arabes voisins sur fond d’une longue crise régionale.

Amal al-Muftah (à gauche) sur le tournage de Sh'hab.
Amal al-Muftah (à gauche) sur le tournage de Sh’hab.© AFP/Doha Film Institute

Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont coupé tous leurs liens avec le Qatar en l’accusant notamment de « financer le terrorisme » et de se rapprocher de l’Iran. Le Qatar a fermement démenti soutenir des groupes terroristes, accusé ses adversaires de chercher à mettre sa politique étrangère « sous tutelle » et a cherché à se présenter sur le plan international comme le plus tolérant des Etats du Golfe. L’une des figures les plus connues à s’être illustrée durant cette crise a été Louloua al-Khater, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

« Tant d’histoires différentes »

Au-delà du monde cinématographique, le Qatar détient, dans les pays du Golfe, la plus forte proportion de femmes – 51% – sur le marché du travail, selon les Nations unies. En 1999, le Qatar est devenu le premier pays arabe du Golfe à autoriser les femmes à voter.

Amal al-Muftah, qui a reçu une ovation au festival, voit les femmes cinéastes comme des « pionnières ». « Je sais que, vu de l’extérieur, on pourrait penser qu’il y a une ségrégation (…) mais ici vraiment je sens qu’il y a une égalité (…) Homme ou femme, vous êtes traités de la même façon », estime-t-elle. La réalisatrice est venue présenter au festival Sh’hab (« Etoile filante »), une histoire transmise par sa grand-mère au sujet d’une fille qui veut aller à la mer avec son frère et son père, plutôt que de rester à la maison.

Amal al-Muftah s’est fait connaître au Qatar en 2014 avec le film Al-Himali, sur des portefaix sur un marché. Elle admet avoir eu du mal à convaincre sa famille de la laisser choisir une carrière artistique plutôt que scientifique. Mais aujourd’hui, elle a le sentiment qu’elle peut donner la parole à la « communauté des femmes de Doha ». « En tant que cinéastes femmes, nous avons accès à cette communauté et à tant d’histoires différentes », se réjouit-elle.

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