Alien, les mues de la bête: retour sur la saga film par film
À la veille de la sortie du très attendu Alien: Romulus de Fede Álvarez, retour sur les différentes incarnations d’un fascinant monstre de cinéma.
1. Alien
De Ridley Scott, 1979.
« Dans l’espace, personne ne vous entend crier », prévient l’affiche du film. Dans les salles de cinéma, c’est une autre affaire: Alien fout les foies et explose le sonomètre. Sombre et viscéral, anxiogène et claustro, ce survival malsain en huis clos s’inspire bien sûr de la SF pulp des années 50-60 mais en renouvelle surtout profondément les codes, en l’inscrivant dans une tension inédite entre passé et futur, entre l’angoisse traumatique des origines et les caprices possiblement monstrueux de l’évolution. Pas pour rien que l’ordinateur de bord du Nostromo, vaisseau cargo sur lequel se déroule l’action, s’appelle Mother. Dans les coursives utérines de l’appareil, les membres de l’équipage sont décimés un à un par le xénomorphe baveux qui y a élu domicile. À la fin, il n’en restera qu’une.
2. Aliens
De James Cameron, 1986.
Là où Alien inventait le concept de maison hantée dans l’espace, sa suite s’approprie brillamment les enjeux du war movie à l’américaine, jusque dans la bande-son aux accents militaires de James Horner. Dans son caisson d’hyper-sommeil, Ripley évoque la Belle au bois dormant, avalisant l’idée d’une saga à envisager comme un conte de fées dark et désenchanté. Le lieutenant s’entoure de marines coloniaux tandis que l’alien se multiplie. Les planètes, elles, ressemblent à de gros ventres arrondis, les thématiques de la fécondation et de la maternité annonçant l’apparition de la reine pondeuse des xénomorphes. Intense, voire carrément éprouvant, Aliens est un nouveau chef-d’œuvre, qui épingle au passage avec férocité le pouvoir corrupteur de l’argent et la logique déshumanisante du capitalisme.
3. Alien 3
De David Fincher, 1992.
Situé sur une planète-prison haute sécurité en forme de labyrinthe, bourrée de criminels et de tarés libidineux, Alien3 annonce en quelque sorte déjà Se7en, mené par Brad Pitt et Morgan Freeman, que David Fincher signera juste après. Si le premier Alien convoquait l’horreur pure et sa suite directe la tradition du film de guerre, celle-ci tient en effet davantage du thriller. Androgyne, Ripley arbore désormais un crâne rasé et s’accompagne de personnages assez caricaturaux. S’il enfonce le clou nihiliste présidant à la franchise, le film manque en effet hélas cruellement de finesse, évoquant dans ses moins bons moments un simple épisode de L’Agence tous risques. Qu’à cela ne tienne, on n’oubliera pas de sitôt ce plan iconique dans l’infirmerie où les mâchoires érectiles de la bête salivent tout contre le visage transpirant de l’héroïne.
4. Alien: Resurrection
De Jean-Pierre Jeunet, 1997.
On trouve dans le quatrième épisode d’Alien ce côté bricolo-gadget et une certaine esthétisation de la laideur propres au cinéma de Jean-Pierre Jeunet. Mais le Frenchie monté à Hollywood dans la foulée de La Cité des enfants perdus s’égare dans une surenchère de monstres. Chargé, trop bavard, le film ploie sous les fausses bonnes idées, jonglant assez grossièrement avec les thématiques du clonage et des manipulations génétiques pour mieux moraliser sur les dérives scientifiques. Le minimalisme cradingue des débuts fait place au fétichisme triomphant des effets spéciaux. Pourtant, tout n’est pas à jeter dans cette Resurrection aux accents transhumanistes, entre une véritable prouesse d’action sous-marine et la chute régressive de Ripley vers le ventre chaud et grouillant de la mère alien.
5. Prometheus
De Ridley Scott, 2012.
Retour de Ridley Scott aux manettes pour ce prequel qui n’en est officiellement pas un, même si le film multiplie d’évidence les points d’accroche avec la quadrilogie. Optant pour une esthétique numérique et clinquante, Prometheus ne fait pas vraiment peur, l’épopée existentielle (il est ici question de découvrir les secrets de l’origine de l’humanité sur Terre…) virant insensiblement au salmigondis d’ésotérisme et d’action. Personnages peu attachants, dialogues indigents: Scott semble trop occupé à en mettre plein la vue pour insuffler une âme à son film. Conçu comme un long récit d’exposition, celui-ci se clôt alors qu’il vient à peine de décoller. Une séquence assez incroyable d’avortement-accouchement laisse néanmoins à penser que le cinéaste a encore des choses à dire, et surtout à montrer.
6. Alien: Covenant
De Ridley Scott, 2017.
Sixième, voire même huitième (si l’on compte les spin-off Alien vs. Predator et Aliens vs. Predator: Requiem), installation dans l’univers de la franchise, Covenant renoue ouvertement avec la terminologie Alien mais ne s’inscrit pas moins dans la suite directe de Prometheus. Blockbuster schizophrène, le film renoue -enfin!- avec une certaine idée du vertige durant une première heure sans concession qui tient du quasi sans-faute. Et puis vlan, Scott retombe dans ses pires travers en questionnant la frontière entre le biologique et le mécanique, le néant et l’absolu, avec ses gros sabots de marchand de soupe cosmique. Inutilement solennel, surexplicatif au possible, Covenant ne vibre alors plus que le temps de l’émouvante naissance d’un monstre, marquée par l’ADN véritable de la saga: la peur primale.
7. Alien: Romulus
De Fede Álvarez, 14/08/2024.
Déjà responsable d’un reboot du Evil Dead de Sam Raimi, le réalisateur uruguayen Fede Álvarez est à la barre de ce nouvel opus dont le titre perpétue la tradition d’intégrer des références mythologiques au sein de la franchise. Emmené par la star montante Cailee Spaeny (la série Mare of Easttown, les films Priscilla et Civil War), Alien: Romulus situe, dans la chronologie de la saga, son action entre Alien de Ridley Scott et Aliens de James Cameron. On y suit un groupe de jeunes colons se retrouvant nez à nez avec la forme de vie la plus terrifiante de l’univers alors qu’ils sont occupés à explorer les profondeurs d’une station spatiale abandonnée. Un film de fan pour les fans? Réponse dans les salles ce mercredi 14 août, avant l’atterrissage d’une série (Alien: Earth) sur Disney+ l’an prochain.
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