Stéphane François

La culture, bête noire de l’extrême droite

Le RN n’a pas confirmé mais ses idées ont essaimé, notamment sur la culture, bête noire de l’extrême droite. Une opinion de Stéphane François, professeur de science politique à l’UMons et chercheur associé au GSRL (CNRS/EPHE, Paris).

L’extrême droite et la culture? Vaste question! Pour autant, elle est d’actualité, le Rassemblement national (RN) ayant été en tête lors du premier tour des élections législatives françaises, avec 33,1% des voix exprimées. Les sondages le situaient entre 200 et 280 sièges. Le second tour a brisé l’espoir de ce parti, le RN n’ayant «que» 143 députés.

Pour revenir à notre sujet, l’extrême droite, dans sa majorité et comprise comme groupe générique, a une conception pour le moins étriquée de la culture : elle doit être classique et doit cadrer avec ce qu’elle pense être son essence, c’est-à-dire, apolitique et aseptisée. L’innovation, la subversion et les avant-gardes sont rejetées au titre qu’il ne s’agirait que l’expression de la décadence de la civilisation. D’ailleurs, la culture est absente du programme du RN, qui ne met en avant que le patrimoine. De même, les militants d’extrême droite estiment que le monde de la culture lui serait hostile, ce qui est globalement vrai. Celui-ci se mobilise depuis les années 1980 contre l’extrême droite, bien que cette fois-ci, il a été étonnamment silencieux, au contraire des universitaires qui se sont mobilisés au travers de pétitions et de tribunes.

Cette vision étriquée, et essentialisée, se retrouve évidemment au Front national et à son successeur, le RN. A chaque fois que ce parti a eu des maires, les subventions pour les associations culturelles et pour les artistes ont diminué, voire ont été supprimées. De fait, peu d’artistes, plutôt de gauche, ont soutenu des idées d’extrême droite. Parmi les réalisateurs, il y a bien eu Claude Autant-Lara (il a été un éphémère eurodéputé FN en 1989); parmi les chanteurs, Jean-Pax Mefret (qui est plus « droite hors les murs » qu’ouvertement d’extrême droite). Chez les écrivains, les troupes sont un peu plus fournies, certains affichant ouvertement leurs idées (Marc-Édouard Nabe, Renaud Camus…), tandis que d’autres préfèrent biaiser, surtout s’ils vendent des best-sellers. Bref, on fait vite le tour.

Claude Autant-Lara, de La traversée de Paris aux bancs du FN.

​Pour autant, il existe une contre-culture d’extrême droite, dépassant le national, présente parmi les plus radicaux. Celle-ci est marquée par le futurisme (version italienne et fasciste), par les «avant-gardes conservatrices» (comprendre la «révolution conservatrice» allemande des années 1920), le rock (eh oui!), notamment la scène «boneheads» (les skins d’extrême droite) ou le NSBM (le «national-socialist black metal»). Il ne faut pas prendre ces contre-cultures pour des marges négligeables, au contraire. Si ces milieux restent marginaux, ils vendent bien, notamment le dernier, fort à la mode aujourd’hui. Le NSBM permet la formation et la conscientisation politiques, amenant, par leurs thématiques (homophobie, suprémacisme blanc, néonazisme, etc.) certains auditeurs vers le militantisme politique, les diffusant par des canaux autres que groupusculaires. Pour le dire trivialement, on n’est pas sorti des ronces!

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