Bigger Than Us: demain, c’est déjà trop tard

Un tour du monde de celles et ceux qui luttent.
Philippe Manche Journaliste

La journaliste et écrivaine Flore Vasseur signe avec Bigger Than Us un documentaire urgent, inspirant et énergisant autour de sept jeunes activistes en provenance d’Indonésie, du Malawi, d’Ouganda ou du Brésil qui luttent localement pour changer le monde. Rencontre.

Ce n’est sans doute pas un hasard si Flore Vasseur débarque ce samedi après-midi dans un hôtel de la capitale, où son Bigger Than Us est présenté dans le cadre du BRIFF (lire la critique), accompagné par Sam, son fiston de onze ans. Ce dernier, lors d’un petit-déjeuner familial, avait lancé, comme sortie de nulle part, cette question: « Maman, ça veut dire quoi la planète va mourir? » À l’époque, en 2017, Flore, dont le travail consiste à décrypter les dysfonctionnements de nos démocraties à travers des livres (Ce qu’il reste de nos rêves, enquête sur le cyberactiviste Aaron Swartz suicidé à 26 ans) et documentaires (Meeting Snowden) via des personnes qui « pensent et agissent différemment« , peine à trouver un nouveau sujet pour une série de docs pour Arte.

« Ce que je cherche, c’est le déclic à travers les gens », raconte la réalisatrice de ce nouveau documentaire produit par Marion Cotillard et présenté cet été à Cannes. Où faut-il appuyer pour que les choses changent. J’ai envie qu’ils comprennent, qu’ils agissent mais je me suis rendu compte que je n’y arrivais pas, même en allant interviewer Edward Snowden. Je me rends compte que je suis dans une espèce d’impasse lorsque la question de mon fils m’explose à la figure et je lui promets de faire un film sur la pollution. »

Pendant que Sam est à l’école, Flore reçoit d’un ami une vidéo qui explique le combat de Melati et Isabel Wijsen, deux frangines qui luttent contre la pollution plastique qui étouffe et détruit leur Indonésie natale. Sam lui, à peine rentré de sa journée en classe, est bien décidé à ne pas lâcher l’affaire. Et Flore de percuter, en lui enfilant son pyjama au sortir du bain. « Melati et Isabel, qui ont quatorze et seize ans à l’époque, sont magnifiques de gentillesse, de tendresse, de lucidité, de courage. Elles ont tout compris. Je sentais qu’il fallait protéger Melati parce que le principal problème chez les activistes, c’est la solitude. Il fallait qu’elle comprenne qu’elle n’était pas seule dans son combat. »

Bigger Than Us: demain, c'est déjà trop tard

Un film de lutte et de transmission

Melati s’impose naturellement comme le fil rouge de Bigger Than Us. Avec Flore Vasseur, elle part à la rencontre de plusieurs jeunes collègues. Et le spectateur de faire connaissance avec des jeunes filles et jeunes gens aussi touchants qu’inspirants. Mohamad, 20 ans, a construit dès l’âge de 12 ans une école à la frontière libano-syrienne. Sa Gharsah School accueille aujourd’hui 200 réfugiés. Mary, 24 ans, participe à des opérations de sauvetage de migrants au large des côtes grecques, turques et libyennes. Memory, 24 ans, a fait changer la constitution du Malawi pour repousser de 15 à 18 ans l’âge légal du mariage forcé. Winnie, 27 ans, apprend la permaculture aux plus démunis d’un Ouganda aux terres stériles et ravagées par les pesticides. Xiuhtezcatl, 21 ans, militant et rappeur, a attaqué l’État du Colorado et se bat pour une justice environnementale. Quant à René, 27 ans, il a créé son propre fanzine à 11 ans au sein de sa favela et prône un journalisme de résistance.

« Je voulais montrer l’environnement comme un symptôme d’un problème plus large avec chacune des causes comme une manifestation de ce dysfonctionnement« , martèle la réalisatrice. De fait, à travers sa galerie de portraits forcément émouvants et confrontants, Flore Vasseur nous montre une réalité du quotidien sur cette planète devenue folle. Et de constater aussi qu’à travers cinq portraits sur les sept proposés, le combat est d’abord un combat de survie avant de migrer vers la sphère politique et environnementale. « Je me devais de montrer des choses concrètes avec des activistes rencontrés sur les cinq continents et liés à la jeunesse. Il faut aussi savoir que 80% de la jeunesse planétaire habite hors de l’Occident. »

Ce rapport à la vie est au coeur de Bigger Than Us. « Parce qu’agir rend profondément vivant, renchérit Flore Vasseur. Ce rapport au monde, c’est un rapport de présence, de concret et de vigilance. On change quelque chose qui est beaucoup plus intime, beaucoup plus profond et beaucoup plus durable. » Aux jeunes générations (mais pas que) à qui est destiné le documentaire de mesurer que ces pays injustement fragilisés sont bien en avance sur nous. « Ce n’est pas juste un joli petit film sur des gens qui luttent: c’est aussi un film sur des gens qui nous passent des messages. C’est un film de lutte et de transmission avec un public cible, mais ça parle à tout le monde. On a des enfants, on connaît des enfants, on reste quelque part des enfants aussi. Ce sens profond de la justice habite tous les activistes. Ils n’ont jamais lâché. Cette réflexion qu’ont les enfants à dire ce n’est pas juste et bien, je dis qu’il ne faut pas s’habituer à dire que ce n’est pas juste. Les Mohamad, Melati, Winnie ou René ne lâchent rien. Nous nous sommes habitués à être dans quelque chose de catastrophique alors que nous sommes pour la plupart encore bien nantis. Ce renoncement n’est pas venu du jour au lendemain mais de génération en génération. Bigger Than Us est aussi un film qui peut nous poser la question de pourquoi on a lâché. » On vous conseille de visiter le site biggerthanus.film, complément indispensable à ce film citoyen.

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