Xavier Mussat, Albin Michel
Les Pistes invisibles
176 pages
Dans Les Pistes invisibles, Xavier Mussat propose une expérience graphique étonnante, sur le choix d’un homme à s’extraire du monde.
Ceci n’est pas le récit spectaculaire, incroyable, vrai et librement inspiré de la vie de Christopher Knight, alias “l’Ermite de North Pond”, qui vécut dans une forêt du Maine, quasiment sans contact humain, de 1986 à 2013. Les Pistes invisibles est au contraire le récit introspectif, immersif et rarement figuratif de sa disparition: “Pour bien disparaître, il ne faut pas être cherché. Devenir invisible, ce n’est pas disparaître, c’est se mélanger au reste. C’est participer à l’illusion du silence.” Cent septante pages durant, une voix off, sans nom ni visage, mais voyageant dans sa mémoire, raconte ainsi l’avant, le pendant et l’après de ce grand basculement, qui voit un homme sortir de sa voiture pour, sur une impulsion soudaine, s’enfoncer dans la forêt et ne plus en ressortir. Une confession et un choix vertigineux, qui questionnent évidemment le rapport de l’individu tant à la nature qu’à la société, mais aussi, comme Xavier Mussat en a pris l’habitude dans tous ses livres rares (Carnation, chez Casterman en 2014, Horst, à La 5e Couche en 2021), au langage même de la bande dessinée. Armé uniquement de deux couleurs directes (Pantone bleu et orange) qu’il mélange parfois pour en obtenir une troisième, et sans recours à un quelconque trait de contour, l’auteur s’emploie à dessiner l’indicible, a priori non dessinable, réinventant pour ce faire l’habituel rapport texte-image propre à la bande dessinée dans des compositions entre onirisme et abstraction. Reste hélas au terme de cette expérience sensorielle et de sa lancinante voix off une impression de distance, de lourdeur et de sérieux qui plombe un peu le plaisir qu’on aurait voulu tirer de l’exercice et de l’expérience.
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