Yudori, Delcourt
Le Ciel pour conquête
334 pages
Avec son premier album ambitieux Le Ciel pour conquête, l’artiste sud-coréenne Yudori s’impose parmi les nouvelles autrices BD qui comptent.
Pas facile d’être une femme, encore moins au XVIe siècle et en Hollande, qu’on soit comme Amélie l’épouse d’un marchand de la bonne société, comme Sahara une jeune esclave d’Orient arrachée à ses origines et rachetée comme prostituée sur un marché, ou même comme Yolente et Eva, servantes à vie malgré leurs espérances. Sauf qu’Amélie, malgré la tristesse de son sort et de son existence que la religion et la société lui ordonnent de vouer à un mari qu’elle n’aime pas, a un objectif, peut-être une issue: “Elle avait regardé la terre. Les hommes s’en étaient emparés. Elle avait regardé la mer. Les hommes l’avaient prise aussi. Alors Amélie avait levé son regard vers le ciel.” Ce ciel, elle va se mettre en tête de le conquérir, près d’un siècle avant les frères Montgolfier. Il donne aussi son titre et sa symbolique à ce premier roman graphique tout entier dédié à la sororité et l’émancipation des femmes, puisque parallèlement à cette évasion par le haut, Amélie l’épouse et Sahara la maîtresse vont nouer une relation unique et salvatrice, et devenir bien plus que des victimes de leur temps et des hommes. Yudori, artiste sud-coréenne déjà très appréciée en webtoons et sur Instagram s’offre avec Le Ciel pour conquête un premier album dense et ambitieux, à la parfaite frontière entre la lisibilité franco-belge et les codes du manga (jusqu’au petit chat mignon), révélant une autrice au trait sous double influence, d’une expressivité et d’un réalisme souvent saisissants malgré un noir et blanc austère et une narration un peu ampoulée, parfois dépassée par ses ambitions. Mais qui ajoute une voix forte au chœur des nouvelles autrices BD, bien décidées à réécrire les histoires.
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