Le Bon Père

© National

Attention, découverte! L’intérêt du premier album de l’Espagnole Nadia Hafid est d’abord formel. Un trait d’infographiste, presque sous AutoCAD. Très peu de décors, très peu de traits, très peu de tout, décliné dans une palette de bleus, et une narration devenant souvent jeu de formes quasi géométriques. Beaucoup d’inspiration, mais aucune influence directe dans cet esthétisme singulier, puissant, qui évoque autant les comics indépendants US que les brochures d’évacuation dans les avions ou les mosaïques arabes. Et puis vient le récit qui ne se laisse découvrir que lentement: une femme aux cheveux blancs dans un bar, solitaire, mal à l’aise, qui a visiblement du mal à sociabiliser; la même, enfant, qui joue et se bat avec sa sœur pendant que le père dort dans le divan, présent sans jamais être là. Un père qui regarde la télé, qui fume, qui ne dit pas un mot, qui boit, qui casse les assiettes quand sa femme s’en inquiète, et qui ne trouve pas de boulot. Un Arabe, “on en a déjà assez comme ça”. Un père qui se perd et une jeune femme qui se cherche, tous deux au centre de ce récit existentiel, esthétique, dramatique mais lumineux quand même, et qu’on imagine aux forts accents autobiographiques. Surtout, Le Bon Père s’avère d’une force graphique et narrative à la hauteur de son extrême pudeur, en phase avec le minimalisme assumé de son autrice. Et un nom, donc: Nadia Hafid, à souligner de rouge dans nos calepins d’amateurs de BD contents de lire autre chose. Les fans d’illustration, eux, l’auront sans doute déjà remarquée dans le New Yorker ou The Economist.

© National

de Nadia Hafid, éditions Casterman, 144 pages.

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