Critique | BD

Le Belge Antoine Schiffers étonne avec Katya, son premier roman graphique

Antoine Schiffers plonge avec Katya dans la guerre entre guerre entre indépendantistes tchétchènes et Russie postsoviétique.
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le Belge Antoine Schiffers signe un premier roman graphique étonnant de maturité: Katya, où une mère part en pleine guerre à la recherche de sa fille.

Katya

Roman graphique d’Antoine Schiffers. Editions Casterman. 142 pages.

La cote de Focus: 4/5

C’est l’histoire, simple et terrible, d’une guerre. Et d’une mère qui y cherche sa fille. Nous sommes en 1998. Katerina a quitté la Tchétchénie depuis près de dix ans et l’effondrement de l’empire soviétique. Mais Katerina est partie sans Katya, sa fille, dont elle est sans nouvelles depuis le commencement de cette guerre entre indépendantistes tchétchènes et Russie postsoviétique. Une guerre inégale, brutale et terrible: ce qui reste depuis une province russe du Caucase a été littéralement noyé sous les bombes et écrasé par les chars; la capitale, Grozny, a été réduite en cendres; un demi-million de personnes ont dû fuir; près de 100.000 y sont mortes. Et Katya? A-t-elle pris la fuite, a-t-elle été tuée, kidnappée, violée? Katerina ne sait pas, mais Katerina a décidé: «Je vais aller la chercher.»

Commence alors, dès la page 2 de ce premier roman graphique d’une étonnante maturité, une plongée et une errance très éprouvantes dans les ruines d’une guerre qui pourrait en être une autre; Katerina est la mère de toutes les mères victimes de guerre, et son martyre celui de tant d’autres. Une mère hantée par l’inquiétude et la culpabilité, magnifique de courage, de dignité et de résilience et qui sera capable, malgré l’horreur, de déceler dans les ruines et la désolation quelques restes d’humanité et d’espoir en l’homme. Ainsi Malik, l’adolescent qui l’accompagnera parce qu’il n’a, littéralement, plus rien à perdre.

Il y a, dans ce récit terrible, quelque chose de l’adaptation de La Route de Manu Larcenet, mêlé à une graphie très contemporaine qui rappelle cette fois un Anis El Hamouri, mais il y a surtout beaucoup de Antoine Schiffers, passé par Saint-Luc et dont c’est ici le premier récit, en projet lorsqu’il a reçu le prix Raymond Leblanc il y a deux ans, lui assurant une publication chez Casterman. Lequel n’a pas lésiné sur les moyens accordés à cette première œuvre, difficile mais tellement dans l’air du temps: Antoine Schiffers fait partie de cette jeune génération d’auteurs qui n’a pas attendu l’actuel bruit des bottes pour s’inquiéter de la guerre, et de ses ravages, sans jamais l’avoir vécue. Interpellant.

O.V.V.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content