La Fabrique des Français: la construction de l’identité hexagonale en BD

On sait la France parcourue depuis plusieurs années par la question un peu rance de l’identité. Qu’est-ce que la nation française? Qu’est-ce qu’être français, hier et aujourd’hui? Si ce débat-là est largement manipulé dans l’Hexagone par l’extrême droite et les adeptes de la France aux Français (allez comprendre), il en est heureusement d’autres qui tentent de leur couper l’herbe sous la botte. Ainsi Françoise Davisse et Carl Aderhold, auteurs il y a quelques années d’un documentaire télé très remarqué –Histoire d’une nation– qui racontait “autrement” -entendez par les yeux de ses immigrés italiens, espagnols, polonais, arméniens ou algériens- l’Histoire de France. Dont un quart de la population trouve désormais ses origines ailleurs. Une démarche qui a immédiatement séduit Sébastien Vassant, auteur nantais lui-même très engagé: Juger Pétain, Histoire dessinée de la guerre d’Algérie, Mai 68: La Veille du Grand Soir, Les Représentants, des contributions régulières à des collectifs ou à La Revue Dessinée… Il met plus qu’à son tour son (énorme) talent au service des idées progressistes ou juste humanistes des autres, et réinvente ici cette grande fresque sociale qu’est l’Histoire de France depuis 1870, dans un rapport texte-image qu’il réinvente à chaque page malgré une voix off quasiment omniprésente et inévitablement lourde. Mais là aussi, il l’oxygène régulièrement de témoignages soudain directs, courts et humains. La Fabrique des Français s’affirme comme un album à lire si on veut mourir moins idiot, autant pour son propos que pour la force d’évocation et la singularité graphique, esthétique et narrative de son dessinateur, entièrement voué à la cause. N’empêche, on l’attend désormais de pied ferme sur une “vraie” fiction, affranchie des contraintes de cette BD du réel désormais trop petite pour lui.