Pierre Maurel poursuit sa série socialement engagée, menée par un alter ego et personnage fétiche aux indignations bienvenues. Un petit bonheur.
Lassé de la ville et de ses problèmes socio-culturels insolubles qui faisaient le sel et le contenu des trois premiers tomes de ses non-aventures, Michel, journaliste indépendant, engagé et fauché, s’est enfin décidé à s’installer à la campagne avec sa copine Béa. Une installation qui va être le début de son premier récit long, car entre le squattage de la piscine d’à coté, le bout de gras avec ses amis, des instantanés de beauté rurale et des reportages radiophoniques qu’il aura évidemment du mal à vendre et à placer, Michel voit passer de plus en plus de « convois exceptionnels » sur ses petites routes de campagne. Accidents, embouteillages, déviations, chaussées dégradées… Tout ça pour transporter de gigantesques yachts qui n’ont rien à faire là! Michel, presque malgré lui, va donc reprendre sa casquette de journaliste d’investigation pour dénoncer cette situation absurde et comprendre ce qu’ils font là. Et si ça ne suffit pas, méfiez-vous de son air bonhomme et de sa bravoure bien cachée: de l’investigation à l’action directe, il n’y a qu’un pas, certes bucolique, que ce bon Michel va se décider à franchir…
Pas que pour les gauchistes
Sacré Michel. Cinq ans déjà, depuis Michel et les temps modernes, que Pierre Maurel, bédéiste doué et citoyen engagé, a trouvé dans ce quadra bedonnant son parfait alter ego de papier, malgré une évidente différence de poids et de morphologie (Michel est petit et gros, Pierre est grand et mince). Mais pour le reste, les deux hommes partagent les mêmes indignations face aux travers de notre civilisation contemporaine et une même haine des riches qui leur gâchent leur quotidien -dans le cas présent, l’industrie navale de luxe qui tient de l’aberration. Mais que les non-gauchistes amateurs de bande dessinée (il y en a) se rassurent: cette série-là est aussi faite pour eux, tant Pierre Maurel est excellent. Son noir et blanc nerveux et spontané, sa graphie humoristique et sa narration d’une grande fluidité se mettent totalement au service d’un récit qui ne se contente pas d’être indigné: entre l’histoire d’amour très touchante qui lie Béa à Michel, et des pages entières et sans paroles vouées aux beautés de la campagne, on boit la nouvelle et première grande aventure de Michel comme du petit-lait. Et ce, même si l’humour et l’apparente légèreté de l’ensemble ne cachent rien de la trajectoire de notre anti-héros d’un naturel couard, mais qui, l’air de rien, va peu à peu s’emporter face à l’immunité des puissants. Une grande bouffée d’air frais malgré l’omniprésence des camions!
Michel – t. 4: La fin, les moyens, tout ça…
Comédie. De Pierre Maurel, Éditions L’Employé du Moi, 80 pages. ****
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