[la bd de la semaine] Les Représentants, un récit à cinq mains fichtrement bien dessiné
Collectif, éditions Rivages/Virages Graphiques
Les Représentants
160 pages
Rivages se lance dans la bande dessinée avec la collection Virages Graphiques, dont le la est donné par ce premier album collectif.
« Raconter le monde d’aujourd’hui à travers la fiction, en jonglant avec les images et les mots. Inviter romancières et romanciers, autrices et auteurs de théâtre, à prendre le virage graphique. S’entourer de dessinatrices et dessinateurs parmi les plus talentueux.« . Le pitch de Virages Graphiques, la nouvelle collection de bandes dessinées éditée par Payot & Rivages, qui n’avait jusqu’ici jamais touché au dessin, est on ne peut plus claire, même dans les non-dits. À raison de quatre à six albums par an, l’éditeur proposera des romans graphiques -c’est bien le terme- mêlant, en adaptation ou non, des auteurs de romans ou de théâtre à des auteurs de bande dessinée, pour des récits de fiction (très) contemporains, comme le sont leur deux premiers livres: Comme une grande de Maëlle Reat, première oeuvre tenant de l’autofiction minimaliste et féministe, et surtout Les Représentants, un récit très théâtral, à cinq mains et en cinq actes, un brin bavard mais fichtrement bien dessiné, qui donne bien le ton esthétique de ce que ces Virages seront.
Virages et sillons
Tiré d’une pièce de théâtre dont le texte est paru aux éditions Actes Sud, Les Représentants propose cinq scènes -deux couples qui s’affrontent au sujet de leurs adolescents, un week-end à la campagne bousculé par un voisin, une fratrie qui se déchire autour du corps de leur père, une femme qui attend un ministre dans une chambre d’hôtel…- très différentes dans l’esprit et même l’écriture, et qui n’ont donc en commun que de se dérouler un soir d’élection présidentielle en France, de 1995 à 2017, donnant ainsi un tout autre écho, soudain plus profond et très générationnel, à chaque situation.
Des récits qui tiennent plus de la sociologie que de la politique, forcément très figés et théâtraux s’ils n’avaient été confiés à un quatuor qui, pour le dire vite et vulgairement, a bien de la gueule: la subtilité de David Prudhomme, la ligne claire d’Alfred, la folie douce d’Anne Simon, l’intensité de Sébastien Vassant… Il y a du beau monde devant les écrans ces soirs-là et dans ce livre-là! Lequel ouvre donc joliment une collection qui surfera à son rythme, et dans un registre classieux, tenant a priori plus de l’air du temps que de l’histoire de son éditeur Rivages (qu’on a connu plus « sale »), sur cette tendance désormais lourde, et parfois dans tous les sens du terme, qui voit les éditeurs littéraires, tels Sonatine, Albin Michel ou Philéas, s’inviter dans le seul secteur en forte croissance de l’édition, à savoir la BD, en puisant allègrement dans les catalogues de leur groupe respectif.
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