Avec Brunilda à la Plata, l’Espagnol Genis Rigol rend hommage à l’inventivité visuelle des premiers auteurs de BD.
Brunilda à la Plata
Roman graphique de Genis Rigol. Editions Rivages/Virages Graphiques, Traduit de l’espagnol par Aphelandra Suares. 144 pages.
La cote de Focus: 3,5/5
Norman, petite main du théâtre où va se jouer cette pièce très singulière, a rendez-vous, à 21 heures précises, avec la jolie Brunilda au restaurant La Plata. Le genre de rendez-vous qui ne se rate pas, sauf que la sortie du théâtre se fait par la porte est, de l’autre côté de la scène. Une scène que Norman ne peut traverser: le dramaturge y joue devant un large public la pièce qu’il est en train d’écrire, mais qu’il n’arrive pas à terminer. Le dramaturge? «Un vieil ami qui vit une période difficile. Il s’enferme pour écrire un chef-d’œuvre, et il se promène avec sa frustration, bras dessus, bras dessous. […] Son histoire tourne en rond parce qu’il n’ose pas la terminer. Gamin, tu ne sortiras pas d’ici tant que la pièce ne sera pas terminée.» Se joue alors un dernier acte virevoltant et hors norme, entre théâtre de l’absurde, commedia dell’arte et masque antiques, dans un album qui se veut certes un hommage au théâtre et à la création, mais aussi et surtout aux auteurs des premières bandes dessinées, ces comics strips d’une folle invention visuelle parus au tournant des XIXe et XXe siècles dans les quotidiens américains, du Yellow Kid à Little Nemo.
L’espagnol Genis Rigol propose ainsi dans son Brunilda des compositions et des esthétiques rappelant Richard Outcault, Rudolph Dirks, Winsor McCay, George Herriman ou Gustave Verbeck. Comme pour rappeler à la jeune génération qui est la sienne combien la bande dessinée s’était avérée inventive et ambitieuse dès ses origines. C’est aussi le cas de cette farce commise par un surdoué venu de l’animation. Sa première BD vaut vraiment le détour; comme le dit une spectatrice de cette pièce parfois froide mais folle: «Je dois reconnaître que je suis toujours finalement surprise par quelque chose que je ne suis pas sûre de comprendre pleinement. C’est beau.»