Reid Kikuo Johnson, Editions Gallimard
Hawaï solitudes
104 pages
Quel est le lien entre Jaime Hernandez, Adrian Tomine et Reid Kikuo Johnson? Outre le fait qu’ils sont auteurs de bande dessinée, ils sont tous les trois Américains issus d’une minorité et abordent les problématiques de leur communauté… ils partagent également un graphisme ligne claire, le premier influençant le second, qui à son tour influence le dernier. Reid Kikuo Johnson est né dans l’archipel d’Hawaï et c’est là qu’il situe son histoire. Autant prévenir tout de suite: il ne sera pas question ici de surf, ni de Polynésiennes alanguies, ni de ukulélé, mais bien de deuil. D’abord celui de Brandon, gamin d’une dizaine d’années qui a perdu son chat suite à une dispute avec sa mère. Celui aussi de cette mère qui vient de perdre son père grabataire dont elle s’occupait depuis sept ans, après avoir mis entre parenthèses ses études de médecine. Et enfin celui du frère de celle-ci, qui avait coupé les ponts avec ce père violent et intransigeant sans jamais avoir repris contact et qui débarque un beau matin avec sa gueule en fleur. C’est aussi l’histoire de la communication impossible entre ces trois personnes, prisonnières de leur frustrations, tristesse et culpabilité. La force de l’auteur réside dans sa maîtrise de l’ellipse. Scénaristique d’abord, où l’auteur fait alterner les séquences dialoguées et muettes en révélant subtilement, et parfois avec humour, les non-dits. Graphiquement, la ligne épurée va jusqu’à l’os tout en étant très réaliste. Johnson parvient à faire passer des expressions avec un minimum de moyens, empruntant à Hernandez ses cadrages parfois très serrés où l’action n’est évoquée qu’en dehors du cadre. Enfin, l’utilisation de touches orangées dans le noir et blanc achève de souligner ce qui n’est pas explicité. Une vraie leçon de bande dessinée.
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