Stephen Desberg et Johan De Moor, éditions Casterman
Les Sauvages Animaux
96 pages
Le duo de La Vache se reforme le temps d’un album hommage au manager de Led Zeppelin. Du petit lait pour Johan De Moor, plus rock’n’roll que jamais.
Peter Grump n’est pas Peter Grant -d’ailleurs, la preuve, Peter Grump est un ours, rien à voir- et le groupe des “Sauvages Animaux” n’est pas Led Zeppelin non plus, même si Robert, le lion-chanteur, Jimmy, le loup-guitariste ou John, le zèbre-batteur, font plus que furieusement penser à Robert Plant, Jimmy Page ou John Bonham! Ne manque au contraire qu’une vache, comme celle qui était agent secret dans les neuf albums que lui avaient consacré Desberg et De Moor dans les années 90, pour définitivement brouiller les pistes de ce “biopic” qui refuse d’en être un: “Le réalisme ne m’intéresse pas, c’est ce qu’on en fait qui compte”, explique le fils de Bob De Moor, filleul de Willy Vandersteen et sexagénaire le plus punk de la BD belge. Dont acte: à l’image des albums de La Vache, ces Sauvages Animaux seront surtout joyeux et festifs. L’occasion pour le scénariste Stephen Desberg d’étaler tout son amour pour la musique, qu’il a pratiquée, et toute son admiration pour le Britannique Peter Grant, l’un des plus fameux managers de l’Histoire du rock pour en avoir révolutionné les mœurs dans les années 70. L’occasion aussi, pour Johan De Moor, de frotter son dessin expressif, ses couleurs directes, son univers foldingue et son amour de la pop culture à une évocation toute personnelle de ces années 70 pleines d’excès joyeux, qu’il a bien connues, et qui l’influencent encore.
Trop punk et trop bien né
La sortie de Les Sauvages Animaux se fait par ailleurs en parallèle avec une autre sortie, beau et gros livre cette fois consacré aux dessins de presse de Johan De Moor, qu’il égrène depuis des années dans les pages des quotidiens ou magazines. Des Dessins d’humeur (aussi aux éditions Casterman) bourrés de références à cette BD franco-belge qu’il adore et abhorre en même temps, qu’il réalise toujours dans une palette de couleurs directes immédiatement reconnaissables, dans des compositions sans cesse ouvertes aux expérimentations tant narratives que graphiques. L’album donne cette fois un large écho à l’esprit plus punk que rock de ce petit voyou de De Moor, toujours prompt à rire là où ça fait mal, n’épargnant rien ni personne, et certainement pas les élites, qu’elles soient politiques ou culturelles. De quoi donc largement célébrer et profiter de ce grand artiste de la bande dessinée belge voire mondiale, plus jeune que jamais à bientôt 70 ans, mais resté bien trop longtemps dans les marges, à la fois trop punk et foutraque pour la BD dite classique, et trop bien né pour la BD dite alternative. Il aura fallu la patine du temps, et le talent du bonhomme, pour que cet entre-deux devienne une force plus qu’un problème.
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