La BD de la semaine: Linge sale, amour et céréales, ou le portrait d’une vie de famille plutôt gratinée

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD
Dargaud, 200 p. 4/5

Linge sale, amour et céréales
BD autobiographique de Pozla. Dargaud, 200 p.
La cote de Focus : 4/5

Tout est dans le titre, même si Pozla aime brouiller les pistes, à l’instar de ce récit qui n’en est pas vraiment un. A travers des histoires courtes, des «gags» en une planche, des personnages parfois différents, des motifs récurrents, parfois même un seul dessin, l’auteur dresse le portrait, éclaté mais éclairant, d’une vie de famille qu’on devine très vite être la sienne –en première planche, le petit Rémi, 10 ans et demi, se jure «devant moi-même que je ferai mieux que mon père, ce traître! Je jure amour et fidélité à ma femme du futur et d’être un père de famille exemplaire!», avant que son «moi du futur» n’intervienne: «Juste pour te dire d’arrêter de te faire des promesses à la con. Steuplé.»

Car oui, la vie de famille de Rémi, racontée par Pozla, de son vrai nom Rémi Zaarour, ne sera pas ce long fleuve tranquille qu’on se promet tous. Une grande aventure domestique et quotidienne faite de petits riens –le sexe, le boulot, les copains, les enfants– mais cette fois gratinée de regrets, de doutes, de petits mensonges ou de grandes trahisons –tels ces posts Instagram de la famille parfaite, loin de la réalité, ou cette métaphore de la balade à vélo qui traverse l’album, pleine de bosses, de surprises, de glissières, et de chutes. Un regard parfois plus amer que doux sur «24 ans de vie partagée», dans lequel l’auteur ne se fait aucun cadeau, et dont la gravité se cache, mal parfois, derrière un dessin humoristique mais surtout formidable.

A la croisée du graffiti et de l’animation, ses autres pratiques, Pozla déploie ici un trait d’une énergie folle, capable d’exprimer tant la douceur que la colère ou le mal-être. Une palette qu’il emploie de mille manières, évoquant tour à tour le Pozla énervé, virtuose et malade de son autobio Carnet de santé foireuse (Delcourt, 2015) ou l’auteur chamallow de l’album jeunesse L’Homme qui courait après sa chance (Delcourt, 2020). Un auteur plein de contradictions et de «styles dans le style», pour une fois tous réunis dans le même moule. Un must donc, pour ceux qui suivraient la carrière de cet auteur rare, imprévisible et touchant, et pour les autres aussi.

O.V.V.

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