Artiste à succès, lesbienne, gauchiste et militante, Alison Bechdel revient en grande forme avec Lessivée, une autofiction bourrée d’autodérision.
Lessivée
D’Alison Bechdel. Denoël Graphic, 272 p.
La cote de Focus: 4,5/5
The «queen of queer» is back, et ça fait un bien fou, tant elle surprend et se surpasse. Celle qui incarne, pour une certaine Amérique orange de peau, la quintessence de l’horreur, soit de la culture woke –pensez, Alison Bechdel est artiste, lesbienne, gauchiste, militante, et à succès!– revient très, très en forme, quatre ans après son Secret de la force surhumaine et après que son célèbre Fun Home est devenu une comédie musicale à succès. En forme, épanouie et prête à surprendre: Alison Bechdel en a fini de l’autobiographie souvent grave. Avec la soixantaine bien tassée est venu le temps de la couleur, du pas de côté, d’un peu de lâcher-prise et de l’autofiction drôle, voire réellement hilarante quand on connaît l’oiseau.
Nous voici donc chez Alison Bechdel, en couple avec Holly, dans le Vermont, sauf que celles-ci élèvent des chèvres naines du Pérou et qu’Alison cherche toujours un successeur, si possible avec un fond marxiste, à Mort et taxidermie, le roman graphique qu’elle avait consacré à son père empailleur. Autour d’elles, une vie pas toujours simple de néorurales à gérer et une bande d’amis et de copines revenus de ses (vrais) strips, Les Gouines à suivre, désormais plus «boomers» que «queers»! Ielles aussi n’y comprennent rien à la nouvelle génération, ne s’y retrouvent plus eux-mêmes dans leurs interdits lexicaux ou le labyrinthe de leurs polyamours qui n’empêchent pas le ridicule, et eux aussi crachent sur les énergies fossiles… avant de s’envoler au Mexique. Une succession de scènes drôles, bourrées d’une autodérision qu’on ne lui connaissait pas, et qui continuent, avec un sourire parfois triste, à poser les bonnes questions et à rendre fou le réac redevenu son président. «L’espoir est un impératif politique», glisse Alison Bechdel à cette Amérique qui ne veut pas d’elle(s) et qui, désormais, l’interdit même dans de nombreuses bibliothèques. Elle ne pouvait pas mieux leur répondre qu’avec ce nouvel opus d’une autrice, certes, lessivée, parfois bavarde, et désormais plus proche de Posy Simmonds (la grande autrice anglaise), que de Peaches (l’icône queer et punk), mais d’évidence épanouie et heureuse, malgré eux. Prends ça, Donald!
O.V.V.