Antoine Cossé fait son grand Retour avec une BD évanescente et fantastique

Trois ans après Metax, Antoine Cossé fait son Retour.
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’auteur le plus singulier et intrigant de ces dernières années fait son Retour, trois ans après Metax. Un drame étrange et évanescent mêlant gueules cassées, toboggan et ptérodactyles. Effectivement fantastique.

1919, sud de la France. Alphonse Rateau, le mari de la narratrice, et Paul Châton, le fils des voisins, rentrent du front. Ils sont les seuls hommes du village et de ces deux familles à en revenir, accompagnés seulement de leurs traumas. Le petit René, lui, n’attendra donc plus son père, mais entame la construction d’un toboggan géant qui va littéralement transpercer la maison de famille de part en part. Une étrangeté, comme beaucoup de choses ici –«Je suis presque sûre d’être la seule à savoir que mon mari, Alphonse, de temps en temps, devient invisible»– et qui vont peu à peu devenir plus étranges encore: un ptérodactyle fait son apparition au-dessus du jardin, des fantômes arpentent le parc, et le toboggan de René s’avère capable d’ouvrir des fenêtres temporelles.

Ces fenêtres sur le passé permettront peut-être aux survivants de prendre langue avec les morts, de panser les blessures et de se dire ce que l’on aurait dû se dire avant… Un univers en tout point singulier entre récit historique, fresque intimiste et dérapages fantastiques que le Français Antoine Cossé aborde et traite à l’encre de Chine et au lavis cotonneux, dans une succession d’atmosphères qui n’appartiennent qu’à lui et aux heureux lecteurs qui le connaissent déjà –et pour beaucoup, l’admirent.

Cossé offre une œuvre profondément unique, déconcertante et poétique.

Antoine Cossé et ses références

Si les livres d’Antoine Cossé ne ressemblent à ceux de personne, de La Baie des mutins (éd. L’Employé du moi, 2014) à Metax (éd. Cornelius, 2022) et sont même très différents les uns des autres –fresque historique dans La Baie, giallo érotique avec La Villa S., épopée SF avec Metax– c’est, comme il nous le confiait au festival d’Angoulême, parce qu’il «n’aime pas se répéter», adore «mélanger les genres» et surtout «laisser mûrir [ses] histoires parfois très longtemps avant de [s’] y plonger, presque à l’instinct». Mais aussi parce que son cursus est unique: parti à l’âge de 20 ans faire ses études artistiques à Londres –«un vrai choix de vie pris en cinq minutes»–, Antoine Cossé a puisé ses références dans la BD américaine, le comics anglais et l’art anglo-saxon avant de découvrir, sur le tard, leurs pendants francophones.

Il pratique depuis son art avec une absolue liberté, par la grâce de son succès, d’abord anglo-saxon lui aussi, dans le monde de l’illustration, qui lui permet de replonger dans la BD «pour mes histoires à moi, et sans la moindre concession». Dans Le Retour, Antoine Cossé se réfère, selon ses propres termes, au Lovely Bones de Peter Jackson, aux scénarios «étranges» d’Andy Kaufmann et à «l’univers sensitif» de David Lynch, mais offre une œuvre profondément unique, déconcertante et poétique. •

BANDE DESSINÉE / ROMAN GRAPHIQUE

Le Retourd’Antoine Cossé

Editions Cornelius, 96 p.

La cote de Focus Vif: 4,5/5

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