Après le succès de la BD consacrée à Vivian Maier, c’est au tour d’une autre photographe singulière, Diane Arbus, d’être le sujet d’un biopic.
Diane Arbus – Photographier les invisibles
D’Aurélie Wilmet. Editions Casterman, 216 pages.
La cote de Focus: 3/5
Un grand roman graphique tenant de l’alternatif et qui évoque la grande photographe américaine de l’altérité… Il était écrit quelque part que le parcours de la célèbre Diane Arbus, new-yorkaise décédée en 1971 à l’âge de 48 ans, devait croiser celui de la jeune trentenaire bruxelloise Aurélie Wilmet, désormais exilée au Danemark. La dessinatrice du remarqué Epinette noire, fascinée «depuis toujours» par «sa capacité à révéler la beauté et l’humanité de celles et ceux que la société préfère souvent ignorer», s’est donc attelée avec visiblement beaucoup d’ambition, de volonté et d’identification à la biographie en BD de cette femme libre, à l’identité sexuelle et sociale trouble, connue pour ses portraits en noir et blanc de personnes «différentes» –et donc moderne avant tout le monde.
Un personnage qui ne fait rien, comme son double de papier, pour être aimée ou pour séduire, trop occupée à tenter d’atteindre son but –«Je veux capturer le mal, l’interdit. Je veux montrer ce qui est trop effrayant ou choquant pour la plupart des gens. Cette réalité que la société a appris à cacher, à laquelle on tourne le dos»– au prix de sa santé mentale, qui lui coûtera la vie –«Au fond, je suis comme ces gens que je photographie, qui cachent leurs problèmes derrière un masque d’apparence.» Une apparence ici à la fois luxueuse et austère.
Austère dans le dessin et les choix radicaux d’Aurélie Wilmet, avec ses visages la plupart du temps figé, sa typo mécanique, ses dialogues glacés et l’utilisation quasi exclusive d’un marqueur bleu, certes chaud mais abrupt; mais luxueuse dans sa pagination (plus de 200 planches!) et son grand format cartonné, qui à eux seuls justifient, si c’est possible, son abracadabrantesque prix de 30 euros. Une impression de fuite en avant, un an après le succès et la réussite du Vivian Maier d’Emilie Plateau et Marzena Sowa (Dargaud), qui nous a cette fois laissé à quai de ce certes beau livre, mais à la radicalité peu empathique. A moins, bien sûr, de vénérer Diane Arbus et de ne pas avoir besoin de ses photos pour se figurer l’artiste.