
Les albums de la semaine: des fantômes de Shannon Wright aux ruminations rap de MIKE

Sur les platines du Focus cette semaine, le premier album de John Glacier, le nouveau Horsegirl, les miniatures rap de MIKE et le « réservoir d’amour » de Shannon Wright.
1. John Glacier – Like A Ribbon
Pour décrire la musique de John Glacier, on peut la prendre au mot: «Like a satellite in the dark», murmure-t-elle en ouverture de son album. Sur Like a Ribbon, la jeune Londonienne donne en effet l’impression de flotter, la voix monotone remplie d’écho ambient, comme suspendue dans l’espace. Sur la production électronique et dark, la basse polaire rappelle éventuellement le premier disque de The XX; le rap vaporeux ramène, lui, vers les ruminations brumeuses d’un Tricky. Bienvenue dans l’avant-pop claustro de John Glacier…
Née au milieu des années 1990 de parents jamaïcains, dans une famille de sept enfants, la rappeuse-poétesse a grandi du côté de Hackney, à l’est de Londres. Repérée sur SoundCloud, elle a sorti une première mixtape il y a quatre ans. Intitulée Shiloh: Lost for Words, elle posait déjà les bases d’un univers intimiste et confiné. Un peu comme si John Glacier confessait ses états d’âme en direct, cloîtrée dans sa chambre –atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos, elle explique être handicapée dans certains mouvements et souffrir de gros coups de fatigue.
Avec Like a Ribbon, la musique de John Glacier produit toujours le même trouble. Mais désormais elle est mieux cernée, se dépliant («telle un ruban») sur des morceaux plus construits. Produit avec l’aide de Kwes Darko (connu pour son travail avec Slowthai ou Sampa the Great), ce qui est présenté comme son premier véritable album peut également compter sur le concours de Sampha (amenant l’éclaircie soul sur Ocean Steppin’ et son groove à la Burial) ou de la musicienne électro expérimentale Eartheater (sur Money Shows). Pour autant, Like A Ribbon tient avant tout de la traversée en solitaire. Du beat fracturé de Don’t Cover Me au blues abstrait de Steady As I Am en passant par les humeurs new wave de Home ou la prière acoustique finale de Heavens Sent, John Glacier sculpte des miniatures à la fois insulaires et magnétiques. Le genre de décor non pas aride, mais dépouillé –où même un titre comme Dancing in the Rain s’écoute à l’horizontale. John Glacée… ● L.H.
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Distribué par Young.
La cote de Focus : 3,5/5
2. Horsegirl – Phonetics On and On
Il y a trois ans, tout juste sorties du lycée, Penelope Lowenstein (guitare, voix), Nora Cheng (guitare, voix) et Gigi Reece (batterie) publiaient Versions of Modern Performance. Un album, le premier de Horsegirl, profondément marqué par le rock indé des années 1990. La production de John Agnello (Dinosaur Jr., Sonic Youth) mais aussi les figures tutélaires de Kim Gordon et de Kim Deal. Pour son successeur, les New-Yorkaises d’adoption ont embauché la Galloise Cate Le Bon (Deerhunter, Kurt Vile, St. Vincent…) et sont rentrées enregistrer le disque à la maison. Mis en boîte dans le Wilco Loft et le froid glacial d’un hiver à Chicago, Phonetics On and On prend ses distances avec la crasse bruitiste, la nervosité et la distorsion de leurs débuts pour embrasser la pop, le minimalisme et l’expérimentation ludique. Les violons, les synthés, les gamelans et les paysages sonores réconfortants et obsédants d’un Electrelane (avec aussi un peu de Raincoats). Une intéressante évolution doublée d’un merveilleux petit disque. ● J.B.
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Distribué par Matador. Le 17 juin au Trix, à Anvers.
La cote de Focus : 4/5
3. MIKE – Showbiz!
Un peu à l’instar d’un Earl Sweatshirt, Mike aime faire court: la plupart de ses morceaux ne dépassent pas les deux minutes. Heureusement, il en produit beaucoup. Après les albums Faith Is a Rock et Burning Desire en 2023, Pinball l’an dernier, le rappeur basé à New York enchaîne avec Showbiz! –24 titres en moins de 48 minutes. Le flow le plus souvent traînant, Mike truffe chaque morceau de mille détails, rappelant le groove long en bouche de J Dilla ou le sampling acrobate de MF Doom. Comme sur l’échantillon soul à la démarche un peu ivre de Strange Feeling ou le saxo saturé de The Weight (2K20). Personnel, Mike évoque notamment la perte de sa mère –dont on entend la voix sur le très beau You’re the Only One Watching–, tandis que sur Lost Scribe (produit par le Bruxellois Shungu!), il note: «Everybody got they thirty-second moment to shine.» De fait, Mike n’a pas besoin de plus pour briller. ● L.H.
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Distribué par 10K. Le 8 mars, au Botanique, à Bruxelles.
La cote de Focus : 4/5
4. Shannon Wright – Reservoir of Love
Après cinq ans d’absence, une maladie auto-immune qui a failli l’emporter et des deuils qui l’ont dévastée, Shannon Wright réapparait tel un fantôme avec un nouvel album hanté et acéré dont elle seule ou presque a le secret. La mort a toujours été fort présente dans l’univers de la PJ Harvey américaine. Elevée par sa grand-mère qui lui a offert sa première guitare à l’âge de neuf ans, Wright a vécu seule après sa disparition alors qu’elle n’avait que quinze petits printemps. Marqué par le décès de son ami Steve Albini, acolyte de la première heure producteur de ses débuts déjà dévastateurs, et par Philippe Couderc, fondateur de sa maison de disques Vicious Circle et grand fédérateur des labels indépendants, Reservoir of Love est un hymne à la résilience et à la survie. Wright joue de tout sauf de la batterie sur ce disque déchirant et comme à l’habitude sans fioriture. L’oeuvre brutale et fragile d’une écorchée vive qui s’accroche. ● J.B.
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Distribué par Vicious Circle. Le 10/3 à l’Aéronef (Lille).
La cote de Focus : 4/5
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