Critique

Le film de la semaine: Whiplash, du jazz dans le ravin

Miles Teller et J.K. Simmons dans Whiplash © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

DRAME | Damien Chazelle filme le jazz comme un sport de combat. Et la route pour la gloire comme un long chemin de croix. Gonflé!

Grand gagnant à Sundance l’an dernier, ovationné à la Quinzaine à Cannes, Grand prix à DeauvilleWhiplash, le deuxième long métrage de Damien Chazelle (Guy and Madeline on a Park Bench), était une véritable bête de festivals bien avant de connaître le chemin des salles belges. Un succès unanime, donc, pour un film qui s’attache justement à en mesurer le prix, à travers le destin d’Andrew (formidable Miles Teller, révélé dans le Rabbit Hole de John Cameron Mitchell), jeune étudiant au Conservatoire de Manhattan qui rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Ambition poursuivie à force d’entraînement acharné, et pourtant mise à mal par un professeur tyrannique (J.K. Simmons) obsédé par l’idée de révéler le nouveau Buddy Rich. Si le clash semble inévitable, l’échec, lui, reste prohibé. Puisque, c’est bien connu, les musiciens ratés finissent dans des groupes de rock…

All that jazz

Sous ses dehors éculés de Flashdance du jazz, Whiplash a le bon goût de ne pas proposer qu’une énième success story comme le cinéma US en raffole tant. A la traditionnelle question « Va-t-il réussir? », le film en substitue en effet une autre, beaucoup plus passionnante: « Jusqu’où est-il prêt à aller pour réussir? » Et Chazelle de sonder l’envers du rêve américain par la bande musicale, et sa mythologie fondatrice, le récit empruntant son fil rouge à la légende de Charlie Parker -adolescent, suite à une impro où il se serait montré tellement mauvais que Jo Jones lui aurait jeté sa cymbale à la tête, le futur Bird aurait ainsi volontairement disparu des radars pendant des mois, pour finalement réapparaître en génie absolu du sax. Soit le fantasme définitif du moindre aspirant jazzeux.

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Si certaines situations semblent pour le moins forcées -selon l’humeur et le moment, il est permis de trouver la seconde moitié du film tour à tour grossièrement outrancière ou génialement cintrée-, le jeune cinéaste américain observe sans complaisance ni fascination béate les doutes et la douleur de son prodige en quête d’extase. Jusqu’au vertige total de son final explosif, climax objectivement peu crédible, même si foutrement gonflé, de ce grand numéro de voltige au bord du vide.

Ancien batteur de jazz qui vivait sa passion dans l’angoisse et les larmes –« l’apprentissage de la musique, c’est 99 % de travail, de peur et de stress, et 1 % de pur plaisir »-, Damien Chazelle connaît assurément sa partition sur le bout des doigts, s’appliquant à filmer les concerts et autres répétitions comme de véritables scènes d’action -caméra virtuose, montage tranchant, punchlines qui fusent… Qui a dit que la musique adoucit les moeurs?

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