Critique

[Le film de la semaine] Mia Madre, le dernier Nanni Moretti dialogue avec la mort

Margherita Buy et John Turturo dans Mia Madre, de Nanni Moretti © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Film d’une belle et profonde densité, Mia Madre est ce que l’on a coutume d’appeler une oeuvre de maturité.

Le sentiment d’inadéquation était au coeur de Habemus Papam, le précédent film de Nanni Moretti. Le réalisateur italien l’applique aujourd’hui à la sphère intime avec Mia Madre, le portrait d’une femme en pleine tourmente. Cette femme, c’est Margherita (Margherita Buy, exceptionnelle), réalisatrice se débattant avec le tournage difficile d’un film politique et les caprices de sa star américaine (John Turturro, impayable), mais aussi avec des problèmes d’ordre privé: fraîchement séparée, elle doit encore tenter de faire face à l’inexorable déclin de sa mère hospitalisée, tandis que sa fille est en pleine crise d’adolescence. Situation qui a le don de la mettre dans un état d’extrême confusion, épuisée à force de craindre de n’être pas à la hauteur, là où son frère Giovanni (Nanni Moretti) se montre, pour sa part, irréprochable et attentionné…

Du côté de l’autofiction

Film d’une belle et profonde densité, Mia Madre est ce que l’on a coutume d’appeler une oeuvre de maturité. Renouant avec une veine toute personnelle voisine de l’autofiction -la mort de sa propre mère lui a inspiré le scénario, et il est difficile de ne pas voir la projection de ses propres doutes et interrogations dans ceux de Margherita-, Nanni Moretti tend aussi à l’universel. Le parallèle avec Amour, de Michael Haneke, est évidemment tentant. Mais si la douleur et le deuil sont au coeur de ce film sensible et tendre, des sentiments divers s’y entrechoquent également. Un équilibre subtil préside en effet à Mia Madre, un film où les niveaux de lecture -film, film dans le film, et jusqu’aux rêves et cauchemars- s’enchâssent avec bonheur, l’intime se mesurant au sociétal voire au politique, et le drame à la comédie -chacune des interventions de John Turturro est, à cet égard, un pur régal. De cette cohabitation découle une oeuvre d’une justesse délicatement bouleversante: s’insinuant encore dans les méandres d’une relation entre une fille et sa mère, ce film qui dialogue avec la mort est définitivement en prise sur la vie.

De Nanni Moretti. Avec Margherita Buy, John Turturro, Giulia Lazzarini. 1h47. Sortie: 09/12.

>> Lire également notre interview de Nanni Moretti.

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