Critique

[Le film de la semaine] 20th Century Women, de Mike Mills

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

COMÉDIE DRAMATIQUE | Après avoir évoqué les dernières années de son père dans Beginners, Mike Mills célèbre le souvenir de sa mère dans son film le plus abouti à ce jour.

[Le film de la semaine] 20th Century Women, de Mike Mills

Dieu est dans les détails, dit-on. Le souffle frémissant de l’existence est en tout cas dans ceux qui font le sel des longs métrages de Mike Mills, génial touche-à-tout dont le travail d’orfèvrerie sensible semble s’inscrire dans un mouvement de balancier entre la vie et le cinéma: puisant dans son vécu personnel la matière de ses fictions, le Yankee n’aime rien tant que déborder du cadre strict de la narration classique pour se rapprocher de l’inimitable pulsation du réel. Après avoir évoqué les dernières années de la vie de son père dans Beginners (2011), le réalisateur de Thumbsucker (2005) célèbre ainsi le souvenir de sa mère dans son film le plus abouti à ce jour, 20th Century Women, chronique chorale à la mélancolie « indie » sous perfusion punk qui, dans la Californie de la toute fin des années 70, prend le pouls des changements du monde, et plus particulièrement de la manière dont ils impactent alors la vie des femmes. Trois générations d’entre elles y font l’éducation tout sauf traditionnelle d’un ado fragile, élément-pivot de ce « coming-of-age movie » inversé où Mills manie l’art de la fugue: d’une tendresse infinie pour ses personnages, il fait sienne la maxime féministe voulant que l’intime est politique, que les moments les plus personnels de nos existences s’imbriquent dans le vaste puzzle de l’époque qui les fonde.

« Collage » d’images parfois très hétéroclites -prises de vue réelles, archives, photos fixes, jeux sur la vitesse et la lumière-, l’esthétique du film épouse la logique d’une écriture impressionniste où chaque séquence s’inscrit moins dans un schéma linéaire que dans une volonté de changement de focale. En entomologiste des sentiments, Mills semble en effet procéder par zooms et dézooms, le particulier et l’universel se répondant en un ping-pong prodigue jusqu’à se confondre l’un dans l’autre. Ainsi, 20th Century Women n’est pas ce genre d’objet filmique qui démarre d’un point A pour arriver à un point B: il se présente plutôt comme un instantané qui se donnerait d’emblée à voir entièrement, mais dont le déroulé nous inviterait ensuite à découvrir à la fois toutes les nuances et leurs implications. Une certaine idée du vertige.

DE MIKE MILLS. AVEC ANNETTE BENING, GRETA GERWIG, ELLE FANNING. 1H58. SORTIE: 01/03. ****

>> Lire également notre interview de Mike Mills.

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