Le Zapping, émission culte de Canal+, a 20 ans. Un anniversaire décliné en quatre soirées spéciales. Débriefing avec son créateur Patrick Menais, qui revendique sa subjectivité.

Les lumières se rallument dans la salle de projection de Canal+, après deux heures de Zapping balayant la fin des années 80 et le début des 90’s. Un journaliste réagissant aux images de l’interview bidon de Fidel Castro par PPDA (en 1991, il avait fait passer pour un face-à-face ce qui n’était qu’une conférence de presse) s’insurge: « En quoi est-ce une imposture journalistique? On a tous fait ça! On a tous refait des questions qu’on n’a pas posées! » L’assistance, qui n’a pas spécialement envie d’être associée à cet aveu de faiblesse, grogne. Le journaliste poursuit, accuse Patrick Menais, « zappeur en chef » depuis 20 ans, d’être orienté, de militer. C’est sûr, le Zapping de Canal+ en agace pas mal. C’est clair, il est une reconstruction tout à fait subjective de la réalité. Menais ne s’en cache pas. Et même, il en est fier. « Il y a certainement un point de vue dans le Zapping, ce qui est très rare aujourd’hui à la télévision (il existe certes d’autres produits de ce type, mais ils n’ont pas de réel point de vue, je n’ai pas l’impression qu’ils soient libres). Le nôtre s’exprime en toute liberté. Quand on travaille sur le Zapping , la bande est rendue 15 minutes avant l’antenne et personne ne la regarde. Et quand on regarde les extraits, on ne peut jamais nous reprocher d’avoir tronqué un propos. On part simplement du factuel, de l’objectif, et on crée du subjectif avec des résonnances, avec des extraits avant ou après, on construit une narration avec le montage. »

On accuse parfois l’émission culte de Canal+ de taper toujours sur le même clou, à savoir la droite, l’UMP, Sarkozy. Patrick Menais laisse dire. « La seule posture qui vaille, par rapport à la politique, c’est la critique, qu’elle vise la gauche ou la droite… On ne fait pas le Zapping pour dire du mal de l’un ou de l’autre, on essaie de voir comment la communication politique évolue. »

Piqûre de rappel

Car c’est bien d’évolution dont on va parler durant les quatre soirées anniversaires concoctées par Canal+ et relayées par Be TV à partir du 28 septembre prochain à 20.10. Qu’elle soit vestimentaire, politique, artistique…

La télé n’a pas de mémoire, se désole Patrick Menais. Ces 20 ans de Zapping vont la lui rafraîchir. Un arrêt sur images salutaire dans un paysage audiovisuel où le flux des informations a atteint une telle rapidité qu’il étouffe tout sur son passage, en particulier le sens, qu’il dilue plus vite que son ombre – si tant est que sens il y ait. « La télé, qui est le médium le plus puissant aujourd’hui, s’interdit de penser très souvent« , relève Patrick Menais – qui confie toutefois la regarder par plaisir, avec une belle assiduité. « Les problèmes politiques, les grandes affaires, ça passe très vite. Regardez Chatel cet été (cfr. mise en scène d’une visite du ministre français de l’éducation nationale dans un supermarché, entouré de fausses mères de famille – militantes UMP, personnel du magasin – louant ses actions, NdlR), il y a 10 ans il aurait démissionné. Ce n’est pas partisan que de dire ça. C’est un simple constat. »

Ces soirées spéciales tournent d’ailleurs souvent à la piqûre de rappel. Rappel que Christophe Dechavanne estimait jadis que La Roue de la Fortune était une émission médiocre… Il la présente aujourd’hui. Rappel que Frédéric Mitterrand avait reçu un 7 d’or pour une émission retirée de l’antenne, et qu’il avait déposé son trophée par terre, « là où se trouve le service public »… Il est aujourd’hui ministre de l’audiovisuel. Rappel que Jeannie Lango arrêtait le cyclisme en 1989… Elle gagne toujours des compétitions à près de 51 ans… Le Zapping pointe les incohérences des people et de la marche du monde, entre deux extraits de prestations d’Yvette Horner en costume traditionnel bavarois, des tonnes d’archives de Sacrée Soirée, des mots cochons sur le pupitre de Des chiffres et des lettres, des coups de sang des pipoles… Et si dans les 90’s la télé était plus spontanée, plus bricolée, plus drôle, en termes de kitscheries, l’avènement de la téléréalité a donné plus de matière à Patrick Menais et son équipe. « Mais plus de choses intéressantes, je n’en suis pas sûr. »

Le Zapping est à voir du lundi au vendredi à 19.45 dans Le grand Journal (en clair) et le samedi à 19.45 dans Salut les Terriens (en clair).

Première des quatre soirées anniversaire ce lundi 28 septembre à 20.10. En clair jusque 20.50.

Rencontre Myriam Leroy, à Paris

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